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Comment faire lire les enfants sans s’arracher les cheveux ?

On parle souvent du goût de la lecture comme un avantage indéniable dans le parcours scolaire, apportant de multiples bénéfices : ce serait le moyen d’intégrer la grammaire et l’orthographe sans y penser, de développer l’imagination, d’accroître la capacité de concentration, d’enrichir la culture générale. Comme vous seriez fier de pouvoir dire autour de vous : « Mes enfants ? Ils adôôôrent lire ! Ils dévorent tout ce qu’ils trouvent ! »  Comme vous seriez soulagé de les voir plongés dans les bouquins plutôt qu’hypnotisés par les écrans !

Oui mais voilà. Les enfants n’ont que faire de ces belles paroles. Pour nombre d’entre eux, lire, c’est compliqué, fatigant, ennuyeux. Les consoles et la chasse aux Pokemon, c’est bien plus marrant ! « Et puis quoi ? Tu veux que je passe pour un intello ? La honte ! »

Je vous livre dans cet article 8 conseils et astuces pour les faire changer d’avis ou au minimum, considérer les livres avec un peu d’intérêt. Trucs testés et approuvés (au moins en partie) par mes propres enfants !

1°/ N’imposez rien 

Vous souvenez-vous de votre premier « livre-corvée » ? Ce classique qu’il fallait avoir lu pour la fin du mois et dont il fallait préparer un commentaire brillant ? Allons, cherchez un peu, je suis certaine que même les lecteurs les plus acharnés ont vécu ce moment pénible. Il s’en est fallu de peu pour vous dégoûter à jamais de la lecture.

Si vous espérez que vos enfants s’attachent à la lecture, déconnectez les livres de l’école ! Lire est avant tout un plaisir. Si vous en faites une contrainte, votre combat est perdu d’avance.

Alors, ne les forcez jamais !

Ne les forcez pas à lire autant de pages par jour, à rechercher les mots inconnus dans le dictionnaire, à prendre des notes, à faire une synthèse du livre, à finir un livre avant de commencer le suivant, à aimer vos anciennes bibliothèques roses. Vos enfants ont parfaitement le droit de ne pas être emballés par les séries du « Club des Cinq », « Alice » ou autres « Fantomette ». Le monde a changé !

2°/ Donnez l’exemple

Vous voulez qu’ils lisent ? Alors commencez donc par lire vous-même ! Comment voulez-vous être crédible si vos enfants ne vous ont jamais vu un livre ou un magazine à la main ?

Vous voilà installé dans votre canapé. Le temps d’une soirée ou d’un après-midi pluvieux, vous vous accrochez à votre bouquin comme à la chose la plus précieuse au monde. Et soudain, vous vous agitez, changez de position et écrasez une petite larme. Quel enfant saura y résister ? Il y a de fortes chances pour que votre petit curieux s’approche et vous demande, intrigué : « Pourquoi tu pleures ? Pourquoi tu ris ? » Tout ça vaut mieux qu’un long discours. Montrez-lui votre amour des livres plutôt que le lui expliquer.

Vous n’aimez pas les classiques ? Et alors ? Ne jamais rater un numéro du dernier magazine féminin ou des comptes-rendus sportifs, c’est lire aussi. Vos enfants remarqueront toujours votre passion et ce que vous en retirez.

3°/ Donnez-leur le choix 

Si vous leur offrez un livre à Noël, puis le suivant pour leur anniversaire, des livres que vous aurez vous-même sélectionnés, votre plan risque fort d’échouer. Seriez-vous excité par un restaurant ne proposant que carottes vapeur ou haricots verts à l’eau ?

Emmenez vos enfants à la librairie, à la bibliothèque, au marché aux puces local ! Multipliez les piles de livres chez vous ! Laissez-les fureter, choisir, tester ! Ils optent pour des mangas ? C’est OK ! Des BD ? Parfait ! La série des Rougon-Macquart ? Bravo ! L’imagerie des sorcières ? C’est bien aussi !

Guidez-les, orientez-les. Dans un premier temps, un choix important peut être déroutant. Les enfants n’ont qu’une culture littéraire limitée. Ils ne distinguent pas toujours les différents niveaux et difficultés de lecture. Vos conseils ou ceux d’un bibliothécaire peuvent s’avérer précieux. Pour peu que rien ne soit imposé.

4°/ N’oubliez pas que vos enfants aiment les histoires !

Il suffit de les observer pour s’en souvenir. Les plus petits, absorbés dans leurs rêveries, faisant rouler les voitures, couler les bateaux, s’affronter les vaisseaux spatiaux ou habillant les poupées (sans parler de la fameuse histoire du soir !) Les plus grands, confondant les acteurs avec leurs personnages, rêvant d’être enlevés par un vampire au charme glacé ou de sauver la belle et innocente héroïne.

Les contes, les histoires qui font peur, les romances pour ados, les récits d’aventure, les épisodes à suspense sont autant de possibilités qui titillent leur imagination, piquent leur curiosité, nourrissent leur créativité. Un livre qui raconte une histoire aura toujours leurs faveurs.

5°/ N’oubliez pas que vos enfants aiment autre chose que la lecture !

Leurs centres d’intérêt offrent également d’inépuisables prétextes à la lecture. Mon fils décortique avec passion les exemplaires des magazines auto qu’on lui amène. Ma fille a dévoré les pages de « l’Odyssée de Pi » qu’elle avait au préalable adorée au cinéma.

Offrez un livre de recette à l’enfant qui aime cuisiner (ou mieux, écrivez ensemble les secrets culinaires de la famille). Amenez à l’apprenti judoka la BD de Teddy Riner (triple champion olympique depuis le mois d’août !). Imprimez les paroles des chansons. Abonnez le joueur de tennis à « balle-de-match-magazine » (pas certaine que ça existe mais vous avez compris l’idée).

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Teddy Riner 1. La colère du dragon – Bekka, Jikkô – Editions Dargaud

S’ils prennent l’habitude de lire, il y a de fortes chances pour que les enfants se tournent vers d’autres choix au fil du temps pour, qui sait ?, se retrouver avec de bons vieux livres entre les mains.

6°/ N’oubliez pas que vos enfants aiment jouer !

Oui, et quel que soit leur âge. Ils aiment les blagues, les défis, les concours. Alors, pourquoi ne pas ajouter une dimension ludique à la lecture ? Je leur ai parlé de mon défi personnel consistant à leur faire aimer la lecture, sans pleurs ni grincements de dents. Ils ont pris ça comme un jeu (ou peut-être ont-ils eu pitié de moi ?). Ils ont fait l’inventaire des livres qu’ils possédaient, ont identifié ceux qu’ils avaient aimés ou détestés, ceux qui leur donnaient envie. Nous sommes allés faire un tour à la bibliothèque. Puis c’était à qui lirait le plus grand nombre de pages en une journée. OK, ça n’a qu’un temps. Et alors ? Tout ce qui est pris n’est plus à prendre.

Il existe un grand nombre de livres ludiques. Je conseille par exemple « Le livre qui fait aimer les livres même à ceux qui n’aiment pas lire » : truffé de jeux de mots et de plaisanteries au premier degré. A lire à deux et à haute voix.

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Le livre qui fait aimer les livres même à ceux qui n’aiment pas lire – Françoize Boucher – Editions Nathan

En fouillant un peu dans les bibliothèques ou les librairies, vous trouverez aussi les « livres dont vous êtes le héros » (vous bâtissez vous-même l’histoire en fonction des choix que vous faites) ou les livres personnalisables (le héros porte votre prénom, ses amis ressemblent aux vôtres, etc.)

7°/ Multipliez les contacts avec les mots

Il est possible de lire partout, dès le plus jeune âge. Les livres insubmersibles dans la baignoire, les livres doudou, les étiquettes du sel et du poivre sur la table du déjeuner (quelle fierté lorsque, pour la première fois, ils parviennent à les déchiffrer !), les panneaux indicateurs sur la route des vacances, la liste de courses (« qui est responsable de cocher les articles aujourd’hui ? »), les règles des jeux, etc.

Faites-leur réaliser que les mots sont utiles. Et lorsque les mots sont à plusieurs, ils forment des phrases. Les phrases, elles, s’assemblent en histoires…

8°/ Montrez-leur l’envers du décor

Avant qu’il ne soit lu, il a bien fallu écrire le livre. C’est vrai, ça ! Et l’écriture ?

Faites une séance de dessin avec les plus jeunes. Demandez-leur de raconter l’histoire qu’ils associent à leur œuvre. Ecrivez là, telle quelle ! Racontez leur, quelques jours plus tard. Succès garanti !

Faute de solution de garde, j’ai emmené mes enfants à une séance d’atelier d’écriture. Ils avaient leurs consoles de jeu pour éviter l’ennui. Ils ne les ont pas touchées. Ils ont pris une feuille et un stylo et ont écrit leur propre texte. Rien n’était prémédité. J’ai été la première surprise ! Là aussi, il est absolument interdit de leur faire remarquer les fautes d’orthographe, sous peine de blesser leur créativité. Vous constaterez sans doute à quel point leur imagination est plus fertile que la vôtre !

J’ai également emmené la plus grande au salon du livre local. Elle y a rencontré les auteurs qui lui ont expliqué le pourquoi et le comment des livres, lui ont dédicacé ceux qu’elle avait choisis.

Finalement, le livre, ce n’est pas cette chose froide et contraignante qui alourdit les sacs d’école et pèse sur l’épaule.

Et si rien n’y fait ?

Et bien, est-ce si grave ? Il y a tant d’autres moyens de s’ouvrir l’esprit. Peut-être votre enfant est-il plus musicien que lecteur ? Habile avec un pinceau ? Meneur de son groupe d’amis ? Peut-être faut-il attendre un déclic plus tardif ? Le tout est de ne jamais en faire une obsession. Et de revenir à la charge de temps en temps !

N’hésitez pas à partager vos propres expériences dans les commentaires. Les nouvelles idées seront bienvenues et je suis prête à les tester sur le champ ! Et dites-moi, je suis curieuse : quel a été votre pire « livre-corvée » ?