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Comment devenir plus intelligent sans efforts ? Impossible ? C’est pourtant ce que les médecins proposent à Charlie.

Charlie Gordon est simple d’esprit. Le mot est même particulièrement faible. L’homme approche de la quarantaine et sait à peine lire et écrire. Il s’occupe de basses besognes dans une boulangerie où les autres apprentis ne cessent de rire à ses dépens. Mais Charlie est tellement naïf qu’il accueille ces plaisanteries avec bonheur, croyant avoir de merveilleux amis.

L’homme montre pourtant une force de caractère peu commune : il veut apprendre et devenir plus intelligent. C’est pourquoi les Professeurs Nemur et Strauss le choisissent pour une toute nouvelle expérience. Une petite opération du cerveau pour devenir un génie en puissance ! L’essai a déjà été tenté avec une souris de laboratoire, surnommée Algernon. L’animal est désormais capable de sortir d’un labyrinthe en un temps record…

Bien sûr, Charlie accepte l’opération. Et ?

Et son intelligence augmente…

Le livre est le compte-rendu que Charlie écrit lui-même chaque jour pour décrire la façon dont il ressent les changements extraordinaires qui se produisent dans son cerveau. La transformation est progressive et l’auteur réussit le tour de force de traduire par écrit cette lente évolution. Les premiers rapports de Charlie sont difficiles à lire : fautes d’orthographe, de grammaire, de conjugaison, de syntaxe. Presque de la phonétique. Avez-vous déjà tenté d’écrire de cette manière ? Pas facile d’éviter les fautes, mais pas si simple non plus de s’en servir sciemment comme figure de style !

Et puis les choses s’améliorent au fil des pages, pour aboutir à des réflexions écrites très précises et pertinentes.

« Ce qui est étrange dans l’acquisition du savoir, c’est que plus j’avance, plus je me rends compte que je ne savais même pas que ce que je ne savais pas existait. »

Le lecteur se retrouve dans le cerveau de Charlie et tente de comprendre le phénomène. Car l’intelligence ne se résume pas à une accumulation de connaissances. Il s’agit également d’appréhender le monde, les émotions et les relations humaines. C’est bien là que les ennuis commencent pour notre héros.

« Il est ironique que toute mon intelligence ne m’aide pas à résoudre un problème comme celui-là. »

« Maintenant je comprends que l’une des grandes raisons d’aller au collège et de s’instruire, c’est d’apprendre que les choses auxquelles on a cru toute sa vie ne sont pas vraies, et que rien n’est ce qu’il paraît être. »

Ce n’est que le début du roman. Qu’arrivera-t-il à Charlie et Algernon ? Parviendront-ils à maîtriser ces aptitudes inespérées qui leur offrent de nouvelles perspectives ? Le suspense augmente avec le QI de Charlie.

Au-delà de cette histoire passionnante, le livre résonne avec nos propres interrogations. Les enfants comprennent leur environnement en grandissant. Et, lorsqu’arrivent l’âge et l’affaiblissement des facultés, le pouvoir diminue et l’existence semble se diluer. Charlie, lui, « naît à la vie » lorsque se développe son intelligence. Sans ce pouvoir de réflexion, il semble presque ne pas exister, ne pas interagir efficacement avec ce et ceux qui l’entourent. Il vit en accéléré. Il a moins de temps que quiconque pour marquer et changer le monde. Laisser une trace, trouver sa place. C’est peut-être ce qui fait écho à nos propres vies. Et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le livre, paru pour la première fois en 1966, a connu un succès croissant pendant plus de quarante ans.

Le roman, lui-même dérivé d’une nouvelle de l’auteur, a été adapté sous de multiples formes : films pour le cinéma ou la télé, pièce de théâtre, spectacle musical et dansant. Si vous vous procurez l’édition augmentée, vous pourrez lire également l’essai dans lequel l’auteur explique en détail la genèse du livre. Pour qui s’intéresse au processus d’écriture, ce bonus est inestimable, d’autant que « Des fleurs pour Algernon » est véritablement l’œuvre d’une vie.

Le roman prend racine dans les propres expériences de l’auteur, et ce, depuis son plus jeune âge (il apprend d’ailleurs seul à lire, avant ses cinq ans !)

« J’ai pu l’écrire parce que ça m’était arrivé. »

Il puise son inspiration et augmente son talent d’écrivain grâce aux innombrables livres qu’il dévore :

« J’ai beaucoup appris des maîtres qui se trouvaient dans la bibliothèque du bateau. »

« Je lis, je lis sans cesse. »

Lentement l’idée prend forme jusqu’aux premières esquisses de la nouvelle puis du roman lui-même. L’auteur est impressionnant de persévérance. Il peaufine son histoire, cent fois sur le métier remet son ouvrage.

« (…) après l’avoir laissé de côté pendant quelques jours, je l’ai relu et j’ai été écœuré. C’était très mauvais. »

« Des fleurs pour Algernon » est un diamant maintes fois ciselé pour aboutir à l’œuvre aujourd’hui reconnue et encensée dans tant de pays.

Pour aller plus loin, vous pouvez également visionner une ou plusieurs des adaptations réalisées à partir du roman. Attention cependant, elles sont loin de coller à l’histoire originale. Mais chacune a son intérêt, mettant l’accent sur certains aspects pour en oublier d’autres (j’évite de comparer un livre avec son film. Pour moi les deux n’ont pas le même objectif, mais sont souvent intéressants l’un et l’autre). J’ai pour ma part regardé deux films, que vous pouvez facilement trouver sur Internet :

  • « Charly », un film de Ralph Nelson, avec Cliff Robertson, sorti en 1968

Daniel Keyes raconte l’histoire de ce film dans son essai. Il a été consulté sans vraiment cautionner. Quelques passages à l’eau de rose, un peu soupe. On y voit les débuts des effets spéciaux au cinéma (amusant, même si ça n’apporte pas grand-chose au récit)

  • « Des fleurs pour Algernon », téléfilm de David Delrieux, avec Julien Boisselier et Hélène de Fougerolles, sorti en 2006

De nombreuses différences avec le livre, sans doute pour « mieux coller » à un public français. Un résultat très émouvant, même si le personnage de Charlie (renommé Charles) y paraît sensiblement moins sympathique.

Dans les deux cas, la performance de l’acteur principal est remarquable. Il s’agit quand même de jouer tour à tour un simple d’esprit et un génie !

Il existe également un film tiré de l’adaptation théâtrale elle-même tirée du roman de Daniel Keyes… (avec Grégory Gadebois, sorti en 2013) Quand je vous disais que ce livre n’en finit pas d’avoir du succès !

Difficulté de lecture : ***

Ce livre est pour vous si :

  • Vous êtes intéressé par ce qui donne son humanité à une personne
  • Vous estimez que la psychologie des personnages est une composante essentielle d’un roman réussi
  • Vous n’avez pas peur des souris !

Le petit plus : l’édition augmentée propose aussi la nouvelle que l’auteur a écrite avant de la transformer en roman.

***

Edition augmentée

Editions J’ai lu, 2011, pour la traduction française

ISBN : 978-2-290-03272-5

543 pages (300 pages pour le roman)

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Georges H. Gallet

Essai et nouvelle traduits de l’anglais (Etats-Unis) par Henry-Luc Planchat