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Même si vous n’aimez pas lire (un peu quand même puisque vous êtes sur cette page), il est fort probable que quelqu’un vous ait déjà parlé du fameux « livre des fourmis ». Celui écrit par Bernard Werber. Il s’agit en réalité d’une trilogie, dont le premier tome, « Les Fourmis » donc, a connu un succès retentissant en 1991 (si l’on ne craint pas les anachronismes, on peut dire qu’il a fait le buzz). D’ailleurs, on en parle encore aujourd’hui. Tout l’intérêt du roman résidait dans le fait qu’il donnait le point de vue de ces êtres minuscules, en parallèle avec celui des humains. Du jamais vu à l’époque (ou alors, rarement). Comme beaucoup, je me suis passionnée pour l’histoire de n°327 (fourmi guerrière) et de ses congénères.

Bien d’autres romans de l’auteur ont suivi depuis, plusieurs trilogies, tous abordant des thèmes plutôt classiques avec une originalité sans pareil (la mort, les Dieux, le rire, etc.) Je vais être honnête, j’ai d’abord été enchantée, et puis je me suis lassée, abandonnant l’auteur à sa « troisième humanité ». Il y avait là trop de raccourcis et d’incohérences pour la scientifique pragmatique (mais néanmoins amateur de fantastique) et amoureuse des mots que je suis.

J’ai pourtant toujours reconnu à Bernard Werber une imagination impressionnante et le talent précieux de raconter des histoires, créer et maintenir le suspense. Si vous ne l’avez jamais lu, tentez l’expérience !

Où donc trouve-t-il toutes ces idées ?

C’est pour tenter de répondre à cette question que je m’inscris à la master class organisée par l’auteur au mois de mai, à Paris. Trois heures de discussion et d’échange avec le public, au théâtre les Feux de la Rampe, par un bel après-midi ensoleillé. 130 personnes ont, comme moi, préféré l’obscurité d’une salle de spectacle aux joies du grand air. Preuve que l’écriture attire.

Lorsque le rideau s’ouvre, Bernard Werber apparaît, avec un ordinateur et un écran. L’assemblée est prête pour un atelier d’écriture original.

Premier constat, l’homme est particulièrement sympathique et proche de ses lecteurs. Beaucoup d’humour et d’humilité. Sans chichis, il nous livre sa vision de l’écriture et de la littérature. Il instaure un dialogue, posant d’incessantes questions à l’assistance : « avez-vous déjà terminé et soumis un manuscrit ? Combien de livres lisez-vous chaque année ? Connaissez-vous tel ou tel roman ? » Il s’intéresse, et c’est plaisant.

C’est alors que démarrent les exercices d’écriture.

Ces intermèdes ponctuent l’exposé. Une douzaine en tout. Ils illustrent les propos de l’auteur tout en permettant de les appliquer sur un exemple concret. Il s’agit d’écrire quelques lignes en une minute, en suivant la consigne. Puis les volontaires (et uniquement les volontaires) livrent leurs trouvailles au reste du public. Le premier exercice donne le ton, et le fil rouge de l’atelier : pour prouver qu’il est possible d’écrire sur tout, l’auteur nous demande de proposer les sujets les plus inintéressants qui soient. L’assemblée vote en majorité pour « la vie d’un coton-tige »…

Croyez-moi ou non, ça fonctionne ! Les apprentis écrivains se prennent au jeu, se lancent et lisent leurs lignes en y mettant le ton. Ni pression ni concurrence, l’ambiance reste bon enfant. Je suis abasourdie par l’esprit dont les participants font preuve. Et la qualité de ce qu’ils écrivent augmente au fil du jeu. Notre valeureux coton-tige devient le héros d’aventures inédites : il est tour à tour jouet du chat, allumette pour chauffe-eau fatigué, arme du crime, machine à remonter le temps ou bien amant du disque à démaquiller. Bernard Werber a gagné son pari. La mayonnaise a pris. Son discours plein d’humour a débridé la créativité de l’assistance. Tant et si bien que le temps manque en fin de séance. Qu’importe, les messages sont passés.

Les messages ?

Voici, en gros, ce que j’ai retenu :

L’important, c’est l’histoire

Par opposition aux auteurs qui privilégient le style, Bernard Werber donne la priorité à l’histoire. Selon lui, l’une des meilleures raisons d’écrire est que l’on adore raconter des histoires et les faire vivre aux lecteurs. C’est aussi ce qui plaît au public… et souvent déplaît aux médias et aux critiques littéraires.

Pourquoi devoir sans cesse opposer ces deux conceptions de la littérature ? J’ai lu nombre d’auteurs qui racontaient des histoires passionnantes en écrivant d’une jolie manière. Style et intrigue ne sont pas incompatibles, n’est-ce pas ? Et, selon moi, l’un sans l’autre devient vite ennuyeux.

Toujours est-il que Bernard Werber prône une littérature immédiate, fluide et intuitive. Il écrit généralement un premier jet sans s’arrêter afin de donner plus de puissance au récit. Puis retravaille ses textes.

Toujours aller au bout

Il y a pire que produire un manuscrit médiocre, c’est de ne rien faire du tout ! Ecrire fait peur : peur du jugement, de l’imperfection, du ridicule. Celui qui écrit a au moins le mérite d’essayer. C’est ce que je me répète en boucle chaque fois que je soumets un texte à quelqu’un.

Il est également conseillé d’achever les manuscrits plutôt que les laisser, incomplets, dormir dans un tiroir. Dans le pire des cas, on s’améliore !

Cultiver son imagination

Selon Bernard Werber, chacun a un potentiel d’imagination important (infini ?) Mais il se travaille. Chez lui, c’est un muscle bien entraîné. Pour cela, pas de miracle, il faut de la régularité. Ecrire tous les jours, même très peu, permet d’entretenir la créativité (voir aussi « Le réflexe créatif », de Twyla Tharp). La vie quotidienne est elle-même une grande inspiratrice. Les idées se nichent partout : dans les rêves, les petites annonces de journaux, les faits divers, les livres, les voyages, le cinéma. Pour écrire, il vaut mieux éviter d’être ermite, mais se confronter au monde et s’en nourrir.

Les exemples donnés par l’auteur sont surprenants… et hilarants !

Utiliser les bons outils

Une fois que l’on a la motivation et l’idée, de nombreux outils sont à la disposition de l’apprenti écrivain. Bernard Werber nous livre nombre de conseils intéressants : les structures narratives qui ont fait leurs preuves (les différentes phases par lesquelles passe le héros), des exemples de bons incipits (toute première phrase d’un roman), les personnages incontournables (comment faire un « bon » méchant ?), l’entretien du suspense, ce qui fait une bonne chute. Aucune recette toute faite, mais des pistes précieuses !

La publication

Trouver un éditeur est loin d’être simple. Sans parler de devenir célèbre, gagner beaucoup d’argent, être récompensé par un prestigieux prix littéraire… Pour l’auteur, la véritable récompense est dans la création, non dans l’attente d’une reconnaissance…

En résumé ?

En résumé, un après-midi sympathique et créatif. Relirai-je Bernard Werber ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas changé d’avis sur le fait que son talent pour imaginer l’inédit est immense. Puissé-je m’en inspirer !

Pour d’autres conseils sur l’écriture, venant d’un des plus grands raconteurs d’histoires, vous pouvez aussi lire « Ecriture, mémoires d’un métier », de Stephen King.

Si vous êtes intéressé par la master class de Bernard Werber, vous trouverez toutes les infos sur son blog http://www.bernardwerber.com/blog/ou sa page Facebook https://www.facebook.com/Bernard.Werber.officiel/

Et vous, que faites-vous pour entretenir et développer votre créativité au quotidien ?