Sélectionner une page

Aravni est une grand-mère atypique. Elle parle un très mauvais français, cuisine des plats terriblement lourds et fascine sa petite-fille, narratrice et auteure du roman. Car Aravni est arménienne. Etablie depuis longtemps dans la capitale française, elle défend pourtant sa culture avec vigueur face aux manières toutes parisiennes de son entourage. Elle porte un lourd passé ; c’est une rescapée du « génocide arménien ». Que cache donc cette vilaine expression ?

C’est ce que Valérie Toranian tente de mettre à jour, malgré le silence pudique de son aïeule. Par les questions qu’elle lui pose, l’auteure découvre peu à peu ses racines arméniennes, tiraillée entre ses deux familles, l’occidentale et l’orientale. Les deux histoires, celle de la grand-mère, celle de la petite-fille, sont étroitement imbriquées tout au long du livre. Elles se rejoignent et s’entremêlent.

La vie d’Aravni est tragique et déroutante. Le roman met en lumière les comportements des uns et des autres et le lourd héritage légué aux descendants.

Cent ans après les faits, les Arméniens se battent toujours pour que soit reconnu le génocide.

« Je voudrais être juive parce que c’est comme être arménien avec la reconnaissance en plus. (…) Le fait que les Turcs refusent jusqu’à aujourd’hui de reconnaître le génocide des Arméniens rend fou. »

Comme beaucoup, vous en avez peut-être entendu parler, sans vraiment en connaître les détails. Voici l’occasion d’entendre la voix d’un peuple méconnu et de mieux comprendre le conflit historique qui l’oppose aujourd’hui à la Turquie. Le 24 avril est jour de commémoration et 2015 fut l’année du centenaire (le livre est sorti peu après cette date)

Le roman propose également une réflexion sur la genèse des exterminations de masse.

« L’entreprise d’extermination totale passe par la déshumanisation des victimes : faites-en des animaux, hagards, prêts à tout pour survivre (…)

Ma grand-mère, drapée dans son admirable orgueil, son diplôme collé à la peau  refusait de devenir la bête qu’ils voulaient qu’elle devienne. »

Qui ne s’est un jour posé cette question : « comment de telles horreurs peuvent-elles être commises ? justifiées ? ou simplement imaginées ? » Le livre fait bien sûr écho à ce que l’Europe a connu quelques années plus tard, à d’autres terribles convois de la mort. Autre peuple, autre période, même souffrance.

Et cette Histoire, qui, aujourd’hui encore, ne cesse de se répéter…

Difficulté de lecture : *

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les témoignages romancés
  • Vous voulez en savoir plus sur cette page sombre du vingtième siècle
  • Vous êtes curieux de la lointaine Arménie. Vous découvrirez dans le livre un peuple et une culture colorés, aux valeurs fortes et persistantes

Le petit plus : les tire-bouchons, biscuits salés en forme de tresse cuisinés par la grand-mère, et que la narratrice adore.

***

Paru aux éditions Flammarion, 2015

ISBN : 978-2-0813-6329-8

238 pages

Littérature française

Grand prix 2015 de l’héroïne Madame Figaro