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L’île de Tôkyô – Natsuo Kirino

Ce roman m’a tenue en haleine du début à la fin. Ce n’était pourtant pas gagné. Dès les premières pages, l’ambiance est étrange. Il faut dire que l’histoire n’est pas banale : Kiyoko, une japonaise de 46 ans, se retrouve coincée sur une île déserte avec son mari.

Déserte, cette île ? Pas tant que ça. Le lieu attire les naufrages plus ou moins fortuits, et la quarantenaire se retrouve bientôt seule femme dans un groupe d’hommes hétéroclite. La survie est difficile mais pas impossible. Fruits, tubercules, lézards, serpents, l’île fournit le minimum vital. Juste ce qu’il faut pour entretenir désirs secrets, jalousies, rancunes et fantasmes. Mais surtout et avant tout la volonté irrépressible de s’échapper, surmonter les vagues et les courants, gagner le large, retrouver la civilisation et son confort.

« Elle était donc capable de mentir aussi effrontément, au point de ne plus trop savoir où était la vérité. »

L’île est inflexible. C’est un piège. Les hommes se regroupent ou s’éloignent au gré des circonstances et de leurs états d’âme.

« Elle était donc bel et bien rejetée hors du groupe et ce sentiment d’exclusion la déprima. »

Ils oscillent entre leur attachement à la civilisation et les instincts primitifs qui ne manquent pas de resurgir en pareille situation.

« Si les querelles sont profondes et dangereuses, c’est qu’il n’y a pas de menace immédiate ou d’ennemi facile à identifier. »

Sauront-ils s’entendre ? Qui mourra et qui sera sauvé ? Le suspense reste entier, jusqu’aux dernières pages.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les histoires de Robinson
  • Vous vous intéressez aux relations humaines, en particulier dans les situations de danger
  • Vous préférez la réalité crue aux histoires à l’eau de rose

Le petit plus : Natsuo Kirino est une romancière célèbre dans son pays (le Japon). Une reine du suspense !

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Editeur original : Shinchôsha, Tôkyô, 2008 (En photo : édition France Loisirs)

ISBN : 978-2-298-12130-8

348 pages

Traduit du japonais par Claude Martin

Littérature japonaise

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La créature des 7 vallées – Philippe Bialek

Voici un roman qui m’a accroché le regard lors d’une visite dans un salon du livre. Les histoires de créatures, ça intrigue toujours. Et cette couverture mystérieuse… Une femme, un foulard bleu, l’eau et la brume. Il n’en fallait pas plus.

L’auteur, Philippe Bialek, enseigne la littérature française dans un collège du Béthunois. Sa passion pour la nature, la faune et les randonnées pédestres nourrit largement le livre et lui donne son contexte original.

La lecture nous emmène dans le nord de la France, une région appelée les 7 Vallées et située près de la côte d’Opale :

« Cette belle zone naturelle, tout entière vouée à la pêche et fréquentée par les espèces d’oiseaux les plus variées, se trouvait dans la vallée de la Canche, fleuve qui prend sa source au cœur de l’Artois et creuse son sillon jusqu’à la Manche (…) »

Le décor est planté. Nous sommes en pleine nature !

Nous suivons Albin, cantonnier, qui mène une vie sans histoire à Rixecourt. C’est un village typique, avec ses personnalités locales, ses cancans, ses habitudes. Cette routine va pourtant être bouleversée par l’apparition inopinée d’une créature dans les étangs de la commune :

« Soudain, un cri s’éleva, venu du goulet, ce passage qui faisait communiquer les deux étangs. Des gamins montraient quelque chose du doigt. »

Un monstre que l’on devine, que l’on fantasme et que l’on décrit avec force imagination. Les médias s’en mêlent, faisant naître la légende. Dès lors les évènements vont s’enchaîner pour Albin, dont les jours prendront un tournant inattendu.

Au-delà d’une histoire qui entretient le suspense, le roman offre un aperçu de la vie de village et de l’ambiance si particulière du nord de la France. Vous y croiserez des personnages simples et authentiques, drôles parfois, et le plus souvent attachants. Ces figures locales se croisent, se toisent, s’entre-aident ou se dédaignent.

« Elle était originaire du bassin minier, de la région de Lens. Ҫa suffisait pour que les anciens du village l’affublent du méprisant surnom de ‘bouffeuse d’carbon’ ».

Le poids du passé, la pression du « qu’en dira-t-on », les ambitions honnêtes ou malveillantes provoquent des situations inédites menant parfois là où l’on ne s’y attendait pas.

Je me suis personnellement laissée porter par ce roman, son écriture fluide et agréable, comme au long de ces étangs naturels qui font tout le charme de la région.

Difficulté de lecture : *

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez la nature, les atmosphères régionales et le terroir, ou si vous êtes pêcheur !
  • Vous aimez les phénomènes inexpliqués
  • Vous aimez le suspense « doux »

Le petit plus : le café « Chez Bidule », où se font et se défont les rumeurs et les réputations sur fond d’accent local…

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Paru aux éditions Nord Avril, 2010

ISBN : 978-2-915800-42-5

265 pages

Littérature française