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Tracy Chevalier est l’un de mes auteurs fétiches pour la bonne raison qu’elle incarne parfaitement mon credo : Lire, Ecrire, Transmettre. Dans chacun de ses romans, elle choisit un sujet lié à l’histoire des hommes. Comme en témoignent les post-scriptum où elle indique ses sources, elle se documente sur le terrain, interroge des spécialistes et lit de nombreux ouvrages. Puis elle écrit une histoire teintée de romanesque au contexte parfaitement véridique. Cela lui permet de transmettre de façon très plaisante un patrimoine ou un savoir-faire ancestral, souvent méconnu, toujours original.

Cette démarche à la fois littéraire et quasi-scientifique ne pouvait que me séduire !

Tracy Chevalier a ainsi traité de sujets aussi variés que l’art des quilts aux Etats-Unis (ces couvertures en patchwork décrites dans « La Dernière Fugitive »), les premières découvertes d’animaux préhistoriques (« Prodigieuses créatures », roman qui figure dans mon top 5 absolu !), ou le talent du grand peintre Vermeer (« la Jeune Fille à la perle », adapté au cinéma).

Dans « A l’Orée du Verger », il est bien sûr question d’arbres. Nous suivons une famille de colons américains qui s’installe dans un marais nauséabond, au cœur de l’Ohio, pour y cultiver des pommiers.

« Le Black Swamp était une terre capricieuse : trop mouillée, ou trop sèche, trop pourrie, ou trop morte. Trop imprévisible pour garantir un rendement sûr. »

La vie est rude dans cette contrée sauvage où les rancœurs mûrissent plus rapidement que ces fameuses reinettes dorées, pommes à la saveur exceptionnelle, combinant « des arômes de noix et de miel, avec une acidité finale qui, paraît-il, ressemblait à l’ananas. »

Puis, à la faveur d’une histoire que je ne vous révèlerai pas, on s’éloigne vers l’ouest et d’autres arbres viennent compléter notre carnet de botaniste temporaire. L’auteur nous emmène à la découverte des grands séquoias de Californie et de l’exploitation qui en est faite aux temps de la ruée vers l’or. Tantôt métaphore de ces colons aventureux, tantôt symboles de survie ou de fortune, les arbres jalonnent le livre et en imposent par leur majesté ou leur opiniâtreté.

« Arracher une souche lui rappelait combien profondément les arbres étaient enracinés, avec quel acharnement ils s’agrippaient au sol où ils avaient poussé. »

« Ben dites donc, les arbres sont rudement doués, j’ai dit. Sans doute plus doués que les gens. »

L’histoire est imprégnée de cet incomparable esprit pionnier qui a marqué le lieu et l’époque. A l’âpreté de la vie répond l’extrême résilience d’hommes et de femmes en perpétuelle quête d’un avenir plus clément.

Lors de cette formidable traversée du pays, on croise quelques personnages ayant réellement existé, tel ce John Chapman, surnommé Jonnhy Appleseed (« Jonnhy Pépin-de-Pomme ! »). Cet homme haut en couleur courait pieds nus, vêtu comme un mendiant, vendant et distribuant des pépins ou de jeunes plants, protégeant et diffusant les pommiers dans sa région. Sans doute l’un des premiers pionniers écologistes !

Le livre est bâti de manière inédite. Il alterne les points de vue, offre quelques passages épistolaires pour figurer les années qui s’envolent. Le style est à la fois abordable et sérieux. Pas d’ennui dans ce roman !

Tracy Chevalier nous parle en direct de ce roman dans la vidéo qui suit. Elle y évoque les arbres, bien sûr, mais aussi Sadie Goodenough. Cette dernière est sans doute le personnage (de fiction) le plus marquant de l’histoire. « Cest un monstre », nous dit l’auteur. Mais un monstre qui a ses raisons…

Pour prolonger la lecture, elle nous conseille également « l’homme qui plantait des arbres » (Jean Giono).

Vidéo présentée par la librairie Mollat sur sa chaîne YouTube :

Difficulté de lecture : *

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les pommes, les arbres et la botanique !
  • Vous voulez partir à la conquête de l’ouest
  • Vous aimez la « petite histoire », celle des gens qui façonnent un pays par leur travail, leurs ambitions et leurs souffrances

Le petit plus : l’un des personnages du roman dessine les séquoias à la manière dont, bien plus tard, une équipe de scientifiques et de photographes immortalisera le célèbre « President Tree », l’un des plus grands arbres du monde.

« Il avait également dessiné des bouquets d’arbres et quelques uns de ces croquis, assemblés, pouvaient former un panorama qui donnait une idée de la taille et de l’ampleur de la forêt. »

Si vous voulez voir cette autre vidéo, c’est par ici

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Paru aux éditions la Table Ronde, Quai Voltaire

ISBN : 978-2-7103-7763-4

325 pages

Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff

Titre original : At the Edge of the Ochard

Littérature américaine