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Le temps des grêlons est une bizarrerie. Un livre comme je n’en avais encore jamais lu. De quel genre ? Anticipation peut-être. Mais peut-on parler d’anticipation quand l’objet même que vous tenez entre les mains semble vous dire que tout se passe aujourd’hui, au présent ? Tout commence comme une histoire pas très réaliste, aussi simpliste que l’est son personnage principal. Un petit garçon, puis un ado, un jeune adulte « débilou », dont l’intellect paraît figé dans le passé, comme sur une photographie. Olivier Mak-Bouchard, votre livre est un joli tour de force qui, lui non plus, n’en a pas l’air.

Une histoire inédite

Imaginez un monde dans lequel les appareils photo deviennent sélectifs. Du jour au lendemain, les images produites refusent de fixer les êtres humains. Sur les écrans, des paysages, des animaux, mais plus aucun homme. Plus de femmes ni d’enfants.

En bref, les vidéos et les selfies n’existent plus et les albums de vacances deviennent terriblement impersonnels.

Dans ce monde, les dessinateurs reprennent du service, seuls capables de retranscrire une scène ou un portrait autrement que par les mots.
Et voilà le présentateur du journal télévisé figé à l’écran et croqué par une main artiste, dont la réalité n’est attestée que par une voix débitant les nouvelles.

C’est ainsi que débute le livre. C’est cette idée originale qui m’a poussée à l’acheter puis à l’ouvrir. « ça, c’est une histoire jamais racontée. »
Le narrateur s’appelle Peter. Il a une dizaine d’années environ lorsque l’histoire commence. Élevé par sa mère, entouré de ses amis Jean-Jean et Gwendo, il raconte sa vie sur un mode naïf et innocent. Comble de l’ironie, son père décédé était photographe et ses parents tenaient une boutique photo. Quant au chat, il s’appelle Kodak.

Une histoire sur la vanité humaine ?

Plus de selfies, me suis-je dit, voilà qui est intéressant. Le livre traitera sans doute de ce qui pousse les hommes à cette boulimie d’images, de leur frénésie à publier, sur les réseaux sociaux, le reflet trompeur d’une vie plus belle qu’elle ne l’est réellement.

Vanité de l’être humain ?
Besoin d’appartenance ?
Peur de ne pas/plus exister ?

Les chapitres sont émaillés de rappels sur le développement de la photographie, depuis son inventeur, Nicéphone Nièpce, jusqu’aux grandes firmes industrielles qui exploitent cette manne en apparence intarissable.

Une histoire mille fois racontée

Mais l’histoire prend rapidement un tour inattendu que je ne dévoilerai pas ici.

Le passé et le présent s’entremêlent. Et peut-être un peu de futur également.
Page après page, autre chose se révèle. Un scénario vaguement familier qui peu à peu se précise et se déroule inéxorablement.
En réalité, Olivier Mak-Bouchard n’a rien inventé. Il nous présente une histoire mille fois racontée.
Notre futur probable, quelle que soit son apparence, car si souvent rejoué.

Et l’on se dit que l’être humain n’a sans doute pas besoin de la photographie pour faire revivre le passé.

Mon conseil : lisez ce livre jusqu’à sa dernière page, celle où vous croyez trouver les mentions légales. Puis relisez la citation, les notes et la dédicace du début.

Le temps des grêlons est pour vous si :

  • Vous ne craignez pas les fausses pistes,
  • Vous aimez les ambiances un peu étranges,
  • Vous aimez la poésie, avec un soupçon de météorologie et de physique quantique.

Envie d’un autre roman d’anticipation ? Voici Une histoire des abeilles de Maja Lunde ou Dans la forêt de Jean Hegland.

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Le temps des grêlons – Olivier Mak-Bouchard
ISBN : 978-2-37055-318-8
Éditions : Le Tripode
Date de première publication : 2022
350 pages
Littérature française