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Je suis de la génération « Indiana Jones ». Je n’oublierai jamais le premier opus, dont les effets spéciaux étaient, pour l’époque, éblouissants. Bien sûr, ce n’était « que du cinéma », une histoire et des personnages inventés pour en mettre plein la vue. Dans la réalité, les archéologues sont des gens calmes, des scientifiques confirmés, agenouillés dans la poussière et balayant le désert à l’aide d’une brosse à dents. Vraiment ?

Des aventuriers modernes

Avec La Cité perdue du Dieu Singe, Douglas Preston nous prouve qu’au XXIe siècle, il est encore possible de s’enfoncer dans une jungle inextricable, Stetson sur la tête et machette à la main, d’affronter des serpents aussi agressifs que venimeux, de trébucher sur des reliques et découvrir une civilisation jusqu’alors inconnue. Rien que ça. Et c’est une histoire vraie.

« Et puis s’étaient enchaînées des coïncidences rocambolesques qu’aucun romancier digne de ce nom n’oserait mettre dans un livre. »

Pourtant, ses protagonistes n’aimeraient sans doute pas qu’on les compare au célèbre aventurier du cinéma. Car cette expédition a été très sérieusement préparée.

A la recherche de la cité perdue

Steve Elkins y a travaillé pendant plus de vingt ans. L’homme est réalisateur, passionné d’exploration et d’archéologie (il n’exerce pas officiellement ce métier, mais en a la sensibilité, ayant participé à des recherches universitaires au début de sa carrière). Dès les années 90, il s’intéresse à une légende, très célèbre au Honduras : le pays abriterait une fabuleuse cité blanche, la Cuidad Blanca, fondée il y a bien longtemps par un peuple puissant. On l’appellerait aussi la cité du Dieu Singe. Ses ruines se situeraient au cœur de la Mosquitia, l’une des régions les plus dangereuses au monde, réputée pour son environnement tropical hostile et ses narcotrafiquants.

Pour Steve Elkins, la cité devient une obsession. Il se documente, multiplie les recherches, part à la chasse aux financements, s’entoure d’une équipe compétente et utilise les technologies les plus modernes. En 2012, il localise ce qu’il pense être des ruines dans la Mosquitia. En 2015, il les arpente. C’est à sa ténacité que l’on doit l’incroyable découverte.

Au cœur de cette jungle infestée de parasites, de prédateurs et de singes moqueurs, une culture oubliée s’est développée il y a plus de 500 ans. Ni Maya, ni Aztèque. Un peuple sans nom tant on ne sait rien de lui. Un peuple ignoré pour avoir soudainement disparu et laissé la végétation recouvrir toute trace (ou presque) de son passage. Preuve qu’il existe encore quelques mystères à éclaircir sur cette terre.

« Je ne connais aucun endroit aussi isolé à la surface du globe. »

Des enseignements pour l’avenir

Douglas Preston est du voyage. Il met son talent de romancier au service de l’expédition. Le résultat est ce roman dans lequel il retrace l’aventure, de sa genèse à ses conséquences. C’est aussi l’occasion de mener une réflexion sur les enseignements que peut apporter l’archéologie : pourquoi les civilisations disparaissent-elles ? Et la question qui en découle directement : la nôtre est-elle menacée ?

Le bon sens et les échanges avec de nombreux experts nourrissent son raisonnement. Il évoque certains fléaux modernes et les similitudes avec ce qu’ont connu les sociétés préhispaniques. Déforestation incontrôlée, rivalités humaines, mauvaises décisions, inégalités croissantes, chocs entre cultures opposées, perte de sens…

« Un peuple a besoin d’une histoire pour se connaître, se forger un sentiment d’identité et de fierté, une continuité, une communauté et une foi en l’avenir. »

Qu’est-il donc arrivé aux habitants de La Cité perdue du Dieu Singe ?

Ce livre est pour vous si :

  • Vous n’avez pas peur de patauger dans la boue ;
  • Vous êtes intéressés par les rouages de l’archéologie passée et actuelle ;
  • Vous vous sentez concerné par l’écologie et vous interrogez sur le devenir du monde moderne.

Difficulté de lecture : **

Le petit plus : si vous êtes anglophone, la conférence TEDx de Steve Elkins à Pasadena, au cours de laquelle il raconte, non sans humour, son extraordinaire aventure. Je vous laisse méditer sur sa conclusion : « Chacun d’entre nous a la possibilité de changer le monde (…). Lorsqu’une idée ou une opportunité se présente, nous devons nous lever, agir et ne pas nous contenter de seulement y penser. C’est cela qui fera la différence ! »

Pour approfondir : le magazine « Secrets d’auteurs » de juin 2018, « A la découverte de Douglas Preston et de son dernier roman »

Sur des sujets proches, vous aimerez peut-être : « La conquête des îles de la Terre Ferme » (Alexis Jenni), et « Dans la forêt » (Jean Hegland).

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La Cité perdue du Dieu Singe – Douglas Preston

Editions Albin Michel, 2018 (pour la traduction française)

Traduit de l’anglais (Etats Unis) par Magali Mangin

Titre original : The lost city of the Monkey God

ISBN : 978-2-226-32506-8

382 pages

Littérature américaine