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Je poursuis mon exploration de la littérature québécoise par ce roman déniché dans une librairie montréalaise et considéré comme un chef d’œuvre du genre.

Nous voici propulsés dans une petite ville du Canada. Macklin ressemble à Thetford Mines ou Asbestos, cités minières du Québec. Les habitations y sont agglutinées autour d’une mine d’amiante qui projette sa poussière grise sur la ville. Avant que l’on n’en reconnaisse les effets néfastes sur les poumons. C’est là que le jeune médecin Alain Dubois choisit de s’installer avec sa nouvelle épouse Madeleine.

Mais ne vous attendez pas à la dénonciation d’une situation sanitaire critique ou une reconnaissance des victimes de l’amiantose, constatations médicales et procès interminable à l’appui. Non. Il s’agit ici de toute autre chose. L’amiante, cette pollution qui tombe en continu sur les êtres et sur les choses n’est que le symbole d’un combat perdu d’avance.

Combat entre la vie et la mort. De la vie à deux face à la liberté. De la liberté face aux conventions sociales. Et elles sont nombreuses, les conventions sociales, dans cette petite ville encastrée dans un décor qui l’isole du reste du monde ! Le couple est considéré avec méfiance. Ici, l’intégration ne va pas de soi, quand bien même se comporterait-on de façon irréprochable.

« Mais ici, les hommes se sentaient forts des limites de leur ville. En somme j’étais venu chercher leur argent ; cela leur donnait presque le droit de déshabiller ma femme. J’évitais de les regarder. »

André Langevin use de la poussière, du froid, de la neige et de la pluie pour créer une ambiance collante et déprimante. D’émotion poisseuse en morne cauchemar, les états d’âme du narrateur suivent les perturbations atmosphériques d’un hiver interminable.

« La neige a presque cessé et le temps est moins froid. J’ai l’âme tiède. »

L’auteur décrit des personnages ambigus, sans clichés ni complaisance. On se réjouirait presque à lire ces portraits qui, d’une façon inédite, expliquent si bien la complexité de l’âme humaine.

« J’ai la voix sifflante et je le regrette parce qu’on ne peut s’irriter contre lui. Il peut tout encaisser sans accuser le coup. Cela doit produire un petit bruit flasque à l’intérieur et c’est tout. Chercher à l’humilier serait vouloir fendre l’eau avec une épée. »

Il faut se laisser envahir par la désolation ambiante, recouvrir par cette poussière cendreuse et porter par l’atmosphère du roman jusqu’à son point final et inattendu.

Difficulté de lecture : ***

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les tragédies
  • Vous aimez les romans psychologiques et les ambiances grises
  • Vous aimez la belle écriture

Le petit plus : dans cette nouvelle édition, l’avant-propos offre une analyse de l’œuvre à la fois détaillée et abordable, qui lui apporte un éclairage plein de bon sens.

***

Paru aux éditions Pierre Tisseyre, 2010 (nouvelle édition)

ISBN : 978-2-89633-151-2

182 pages

Prix du Cercle du livre de France en 1960

Littérature québécoise