Sélectionner une page

Je vous parle aujourd’hui de l’un de mes auteurs favoris. J’ai découvert les romans de Fred Vargas il y a quelques années, et depuis, tous les autres polars me paraissent fades.

J’ai dégusté, devrais-je dire dévoré, « Quand sort la recluse » en deux jours, au cœur de mes vacances d’été. Une histoire d’araignée plutôt craintive, mais qui soudain s’expirte de sa cachette pour mordre quelques hommes âgés de la région nîmoise. Son venin est toxique mais rarement mortel. Cette fois pourtant, les victimes décèdent, les unes après les autres. N’y aurait-il pas anguille sous roche ? Ou plutôt « murène sous rocher », ainsi que le pense le commissaire Adamsberg, héro récurrent et délicieusement atypique de Fred Vargas.

La recette est toujours la même, mais je ne m’en lasse pas : un mystère oscillant entre passé et présent, flirtant avec le fantastique et déclenchant une enquête obsessionnelle ; des animaux amis ou inquiétants (l’auteur est archéo-zoologue de son premier métier) ; une galerie de personnages exceptionnelle, chacun doté d’une particularité physique bien marquée et de sa propre névrose.

Certains diront que l’histoire est tirée par les cheveux, comme à chaque fois. C’est vrai. Mais je m’en moque. Lorsque je lis Fred Vargas, je m’empresse d’oublier le dénouement ou l’identité du coupable. D’abord parce que j’ai rarement envie de terminer la lecture. Ensuite parce que là n’est pas l’essentiel. Les romans de l’auteur font partie de ces livres dans lesquels le chemin est plus important que la destination. Caractéristique d’un polar réussi selon moi.

Quelle jubilation de suivre le parcours du commissaire Adamsberg, ses méditations sur des détails a priori sans importance, les circonvolutions des bulles gazeuses qui errent dans son cerveau de rêveur pour, parfois, éclater en idées brillantes à la surface de sa conscience ! Les personnages de sa brigade se soutiennent ou s’opposent, chacun faisant avancer l’intrigue par ses interrogations, ses forces et ses faiblesses. Adamsberg mène la danse de manière fantasque, à mille lieues du rationnel, et pourtant toujours efficace.

Dans chaque roman, l’auteur invente un langage, des anecdotes qui reviennent de loin en loin ajouter une bonne dose d’humour au récit, des métaphores filées d’un bout à l’autre du livre, comme la fibre soyeuse des toiles d’araignée. Ouvrez le roman et lisez un dialogue au hasard. Vous en sortirez sans doute perplexe. C’est qu’il faut s’imprégner du microcosme de la brigade, apprendre ses habitudes et ses travers.

Chaque livre se lit séparément bien sûr, mais pour savourer pleinement l’univers de Fred Vargas, rien de tel que lire les enquêtes dans l’ordre de parution. J’envie les chanceux qui n’ont pas encore commencé.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous préférez le voyage à l’arrivée
  • Vous préférez les intrigues complexes à l’adrénaline ou l’action pure
  • Vous aimez les héros farfelus à la personnalité marquante

Le petit plus : Fred Vargas intervient relativement peu dans les media. Telle la recluse, elle reste discrète, même si ses ouvrages trônent en bonne place dans les librairies. Je vous propose cependant de revenir sur son intervention dans l’émission « La Grande Libraire », en 2015, à propos de « Temps glaciaires », son avant-dernier roman. Elle y explique la façon dont les idées s’imposent à elle au moment de l’écriture. Une façon qui, à n’en pas douter, ne déplairait pas au commissaire Adamsberg…

La Grande Librairie – Fred Vargas – 2015

***

Paru aux éditions Flammarion, 2017

ISBN : 978-2-0814-1314-6

479 pages

Littérature française