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J’ai lu le roman parce que j’avais envie de voir le film. Et avant de voir le film, il fallait que je lise le livre. Logique un peu tirée par les cheveux, mais logique quand même. Bref, me voilà à feuilleter les pages du dernier roman de Delphine de Vigan, auteure à succès du moment. Plusieurs de ses œuvres ont en effet été couronnées de prix divers et parfois nommées pour le Goncourt.

Dans le livre qui nous occupe, Delphine la narratrice est écrivain et vient de publier un best-seller racontant l’histoire et les troubles de sa propre mère. Sa vie ressemble donc à s’y méprendre à celle de sa créatrice. Elle doit maintenant s’atteler au roman suivant et cherche l’inspiration. C’est alors qu’elle rencontre L. dont le nom sera toujours désigné par cette simple initiale. L. est une jeune femme brillante et empathique, elle-même impliquée dans le processus d’écriture en tant que prête-plume pour célébrités. C’est le début de ce qui semble être une grande amitié entre filles, mais se transforme insidieusement en manœuvres malsaines et influence toxique. L. a décrété que Delphine devait écrire son « livre caché » qui révèlerait ses secrets les plus intérieurs.

« Il n’y a pas d’écriture que l’écriture de soi. »

C’est là l’occasion d’une nouvelle réflexion sur l’écriture, entamée par Delphine de Vigan dans son précédent roman. Les écrivains doivent-ils se dévoiler et ne parler que d’eux dans leurs œuvres ? N’est-ce pas uniquement les faits réels que recherchent les lecteurs ? Existe-t-il seulement de pures fictions ?

Le personnage principal a le même prénom et exerce le même métier. Comme l’auteure, elle vient d’écrire un livre exposant une part intime de son être sur la place publique. Alors s’agit-il d’une histoire vraie comme le suggère le titre ? Delphine de Vigan a-t-elle réellement rencontré L., s’est-elle retrouvée sous son emprise, et comme son héroïne, peu à peu incapable d’écrire et de poursuivre son travail d’introspection ? Ou bien L. n’est-elle que la métaphore de ce long cheminement entre deux livres ?

Avec beaucoup d’habileté, l’auteure embrouille un lecteur qui semble n’aimer que le Vrai et cherche sans cesse « à le démêler de la fable ». D’ailleurs, il est fort probable qu’après la lecture du roman, vous irez comme moi faire quelques recherches sur Internet pour en avoir le cœur net.

La tension monte à mesure qu’L. renforce son influence sur Delphine la narratrice, qu’elle l’isole de ses proches et anéantit sa confiance en elle.

« Un genre de surmoi sarcastique et sans indulgence avait pris possession de mon esprit. »

Je n’ai pourtant pas classé ce roman dans la catégorie thriller : il ne m’a pas véritablement arraché de frissons. Tenue par son suspense, certes. J’ai passé un excellent moment. Mais il aurait fallu qu’il soit plus concentré, que son style soit plus incisif pour m’empêcher de dormir !

Une autre passionnée de livres me disait récemment qu’elle n’adhérait pas au style de l’auteure. Je comprends cette opinion. Non que la façon d’écrire de Delphine de Vigan soit mauvaise (qui serais-je pour affirmer ça ?), mais elle ne m’embarque pas. Le livre m’a laissé une impression de fouillis comme si les idées étaient déposées les unes à la suite des autres et que la progression vers le final était presque fortuite. Désordre régnant jusque dans les phrases, où les synonymes se juxtaposent sans qu’on y ait fait le ménage pour trouver le mot juste. Peut-être est-ce voulu et cela traduit-il la confusion régnant dans l’esprit de la narratrice ? Après tout, cette dernière se remet à peine de plusieurs mois de manipulation qui l’ont conduite au bord du gouffre. Peut-être. Mais s’il me reste un doute, c’est probablement que l’effet n’est pas parfait.

Quant au film, eh bien, il m’a franchement déçue (il a été réalisé par Roman Polanski, et je précise qu’en aucune manière l’actualité sulfureuse du cinéaste n’a influencé mon opinion). Je m’attendais à ce que la réflexion sur l’écriture soit escamotée, car difficile à traduire en images. Mais j’espérais au moins éprouver ces frissons qui ne m’ont pas saisie à la lecture du livre. Ça n’a pas été le cas, loin s’en faut. Un scenario qui glisse parfois dans l’invraisemblable, une atmosphère étrange mais sans la tension attendue, une L. peu crédible qui prend des allures d’automate. Je suis rarement hostile aux adaptations cinématographiques, mais là, j’aurais mieux fait de rester chez moi à lire un bon vieux roman.

Et maintenant j’ai très envie de vous poser cette question : que cherchez-vous dans les livres, réalité ou fiction ? Un peu des deux peut-être ?

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous vous intéressez à l’écriture
  • Vous aimez rencontrer les auteurs dans les salons ou au cours des séances de dédicaces
  • Vous aimez les histoires de manipulation

***

Editions JC Lattès, 2015

ISBN : 978-2-7096-4852-3

479 pages

Prix Renaudot et prix Goncourt des lycéens 2015

Littérature française