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J’ai découvert la littérature québécoise pour la première fois il y un an, lors d’un voyage à Montréal. Là-bas, les librairies sont légions. Elles fleurissent à chaque coin de rue et proposent des livres d’occasion aussi bien que des livres neufs. J’ai donc maintenant « une pile de livres » québécois, qui alimente mes lectures étrangères.

« La fiancée américaine » est un livre captivant que je range avec bonheur dans mon dossier « épopées familiales ». Eric Dupont est un auteur contemporain, professeur d’université, établi à Montréal mais ayant vécu plusieurs fois en Europe.

Ce livre est son quatrième roman. Au fil des pages, j’ai pensé plusieurs fois aux « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez. Peut-être les puristes hurleront-ils au sacrilège, car le style et probablement l’intention sont différents. L’œuvre d’Eric Dupont est moins touffue, et d’abord plus aisé. Elle présente pourtant le même foisonnement.

Tous les ingrédients y sont : l’histoire d’une famille (québécoise, donc) s’y déroule sur plusieurs générations. On suit quelques personnages truculents, au caractère bien marqué… et bien trempé. Les situations cocasses ou dramatiques se succèdent à une vitesse étourdissante. Le tout baigné par une atmosphère légèrement fantastique et un soupçon d’irréalité.

Tout commence par cette fiancée américaine que l’on importe dans la petite ville de Rivière-du-Loup, en pleine terre québécoise. Pour l’unique raison qu’elle se nomme Madeleine et que chaque génération de la famille des Lamontagne de Rivière-du-Loup doit avoir sa Madeleine. Elle fera long feu, cette fiancée, mais marquera le clan grâce à son livre de recettes et la croix en or léguée aux générations suivantes.

Et c’est parti pour d’incroyables aventures sur le continent Nord-américain et dans la vieille Europe !

« Il aurait fallu prendre une photographie des Lamontagne à ce moment là. On aurait pu la classer entre la photo faite à Hiroshima fin juillet 1945 et celle de Dresde à Noël 1944, ou de n’importe quel endroit dont la destruction est imminente. »

L’histoire est passionnante, servie par un humour inventif amenant une touche de légèreté aux scènes les plus graves.

« Contrairement aux Français qui semblent toujours avoir la réponse aux questions qu’ils n’ont pas encore posées, les Allemands sont toujours pleins de wann ? wie ? wo ? warum ? wer ? et ne vivent pas dans la peur panique d’avoir un jour à admettre : ‘Je ne sais pas.’ »

C’est aussi l’occasion de s’ouvrir l’esprit et d’apprendre en douceur. Les cahiers de Magda par exemple, nous plongent sans parti pris dans le vécu douloureux des civils allemands lors de la seconde guerre mondiale. Témoignage prenant et parfaitement documenté.

Quel personnage, d’ailleurs, cette curieuse Magdlena Berg, dont le nom signifie peu ou prou « Madeleine Lamontagne »…

La couverture parle d’elle-même : « la fiancée américaine » est en effet un « livre phénomène », qui ne peut pas laisser indifférent.

Un bémol : certains fils rouges un peu trop présents, qui tirent à l’obsession, comme l’évocation récurrente de l’opéra Tosca (Puccini). Ceci dit, pourquoi ne pas faire un tour sur youtube et découvrir (je suis personnellement inculte ou presque en matière de musique classique ou d’opéra, alors toutes les occasions sont bonnes !)

Le petit plus : l’histoire méconnue d’une des plus grandes catastrophes maritimes de tous les temps, le torpillage du Gustloff. Gardez donc la tablette à portée de main pendant la lecture. Vous apprendrez !

Le mot inédit : sarcelle. C’est le nom d’un canard, et dans le livre, c’est l’adjectif désignant la couleur des yeux des Lamontagne. « Une couleur rare », véritable marque de fabrique des membres clés de la famille.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous n’êtes pas effrayé par les pavés  (Celui-ci ne devrait pas vous ennuyer, il est suffisamment loufoque pour ça !)
  • Vous aimez l’histoire et la culture en général
  • Vous aimez les sagas familiales

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Editions J’ai Lu, mai 2015

ISBN : 978-2-290-10945-8

919 pages

Prix des libraires du Québec 2013

Littérature québécoise