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En attendant la neige – Christine Desrousseaux

En attendant la neige – Christine Desrousseaux

J’ai eu le doute du début à la fin : ce livre est-il un thriller ? Ou faut-il que je le classe plutôt dans la catégorie « tranche de vie » ? En attendant la neige, roman de Christine Desrousseaux, est un peu déroutant. Mais également très prenant…

Un contexte

J’ai d’abord commencé ce livre pour le contexte de l’histoire : Véra, une femme presque détruite par un drame familial, un accident de la route qu’elle a causé, a besoin de faire le vide autour d’elle. Elle recherche la solitude et le silence pour être à nouveau capable de réfléchir et décider si, oui ou non, elle est encore capable de vivre après l’horreur.

Le contexte, c’est cet exil volontaire, cette fuite à la fois salutaire et inquiétante. C’est cette montagne bordée de forêt sur laquelle elle trouve refuge. C’est cette neige que l’on attend, qui peut-être rendra sa blancheur au monde, ou bien étouffera tout.

Avec ou sans tragédie, on a tous envie, un jour, de ralentir, regarder vers l’arrière pour mieux repartir ensuite. Sans doute a-t-on tous envie, un jour, de forêt ou de désert, d’un terrain vague où rien ne bouge. En attendant la neige.

C’est donc ce qui m’a poussée à ouvrir le roman. J’étais curieuse  de  savoir comment s’en sortirait Véra et ce qu’il adviendrait d’elle.

Le suspense

Et puis voilà qu’apparaissent les codes du thriller. L’isolement seul n’était pas suffisant. Alors d’autres personnages s’invitent et créent le mystère. L’inconnu tantôt inquiétant, tantôt rassurant. Les villageois, les uns accueillants ; les autres carrément hostiles. Des événements se produisent, que cette femme déroutée ne peut expliquer. Un secret affleure, au parfum de meurtre.

Le tout est bien mené, sans trop en faire.

Sans en faire suffisamment pour que le lecteur se sente vraiment installé dans un thriller. Ce fameux doute qui subsiste entretient le suspense. Véra se fait-elle de fausses idées ? A-t-elle simplement toutes les peines du monde à refaire surface ? Est-elle en danger ?

Résultat : les pages ont défilé et je me suis endormie bien tard pour terminer et enfin comprendre.

Thriller ou pas thriller ?

Littérature blanche ou littérature noire ?

Vous pensiez sérieusement que je vendrais la mèche ?

En attendant la neige est pour vous si :

  • Vous voulez un livre qui vous embarque (dans une ambiance plutôt féminine !) ;
  • Le mélange des genres littéraires ne vous fait pas peur ;
  • Vous aimez le froid et les ambiances montagnardes.

Voici également deux autres livres atypiques au suspense certain : L’île de Tôkyô / La créature des 7 vallées.

Difficulté de lecture : **

A propos de l’auteure :

Elle est originaire du Nord et j’ai donc eu la chance de la rencontrer rapidement lors d’un salon du livre. Après un passage à Paris où elle a exercé de nombreux métiers, elle est aujourd’hui installée à Lille. Christine Desrousseaux est à la fois conceptrice-rédactrice en publicité et romancière. En attendant la neige n’est pas son premier opus. Nouvelles, livres pour enfants, romans policiers… J’ai déjà repéré Mer agitée que je lirai sans doute prochainement.

***

Editions Calmann Lévy, 2019
ISBN : 978-2-7021-6361-0
287 pages
Littérature française

Être écrivain public : La Papeterie Tsubaki (Ogawa Ito)

Être écrivain public : La Papeterie Tsubaki (Ogawa Ito)

La papeterie Tsubaki, Ogawa Ito

Si je vous dis « écrivain public », à quoi pensez-vous ? Sans doute à un scribouillard d’un autre temps, binocle sur le nez, grattant un parchemin d’une longue plume affutée. Ou peut-être à une permanence en mairie, la possibilité de faire rédiger ces ennuyeux courriers administratifs pour envoyer une demande ou poser une réclamation. C’est un métier en apparence désuet. Mais qui se réinvente aujourd’hui, sous d’autres noms.

Être écrivain public au Japon

Le roman dont je parle ici raconte l’histoire d’Hatoko. C’est une jeune japonaise ; elle a un peu voyagé mais s’installe pourtant à Kamakura, petite ville côtière au sud de Tokyo pour y reprendre la papeterie Tsubaki, héritée de sa grand-mère. Son aïeule décédée l’a élevée de façon stricte et sans démonstration d’affection. Elle lui a transmis son art de la calligraphie et le métier d’écrivain public. Hatoko a commencé par se rebeller (trop de discipline et d’austérité !) mais a fini par faire sienne cette activité passée de mode.

Être écrivain public au Japon n’est pas chose facile. Les Occidentaux sont chanceux : environ 26 signes à dompter, en minuscules et majuscules. Quelques règles complexes à la logique tirée par les cheveux. Des verbes en début ou en fin de phrase selon les pays. Des accords, des déclinaisons, des irrégularités, des conjugaisons.

Rien de bien compliqué comparé aux 2000 signes (et c’est là le minimum syndical) que doivent maîtriser les japonais pour commencer à écrire correctement. La calligraphie est un art exigeant. A faire fuir tout être pragmatique en recherche d’efficacité.

« Il fallait mémoriser un nombre incommensurable de choses. »

Comme nous, les japonais se sont pourtant mis aux e-mails et leurs doigts glissent désormais sur des claviers ou des écrans de smartphone. Mais leur pays reste une terre fortement ancrée dans ses traditions. Alors l’écrivain public y a encore sa raison d’être. Cartes de vœux d’été, lettre de rupture d’amitié, condoléances… Autant de circonstances où l’on met les formes. C’est ainsi que des clients inattendus poussent la porte de la papeterie Tsubaki pour requérir les services d’Hatoko.

Une ambiance toute japonaise

Amateurs d’action, s’abstenir ! Le roman est lent. Ici, on prend le temps de boire le thé. La jeune femme prend son métier très à cœur. Chaque courrier est longuement réfléchi. Quel papier choisir ? Ancien, lisse, rugueux, blanc, moins blanc ? A chaque circonstance, sa texture, sa dimension, son toucher. Il en va de même pour l’encre et l’instrument. Quelle couleur ? Diluée, délavée, concentrée ? Pinceau ou stylo ? Quel stylo ? L’encre peut avoir la couleur des yeux de l’expéditeur ou refléter ses sentiments.

Vous trouvez ça absurde ? Pensez-y.

« Même la plus humble carte postale, du moment qu’elle est manuscrite, garde la trace vivante de l’esprit et du temps de celui qui l’a rédigée. »

Vous êtes-vous déjà posé certaines questions au moment d’écrire une vraie lettre, non dématérialisée ? Moi oui.

Je n’utilise pas de timbre joyeux ou coloré pour envoyer ma déclaration d’impôt, pas de stylo plume pour noter l’adresse sur l’enveloppe (la pluie risquerait de l’effacer), pas d’encre bleue pour un mot de condoléances. J’achète encore des cartes pour certaines occasions, sachant que cela sera plus apprécié qu’un texto. Je soigne la courbe de mon écriture lorsque j’écris un billet d’absence aux professeurs de mes enfants (aucune envie d’avoir une sale note !).

Tout cela a un certain charme, pas vrai ?

Calligraphie, être écrivain public au Japon

Écrivain public au Japon – La calligraphie

Hatoko pousse son expertise jusqu’à modifier sa façon de tracer les idéogrammes selon le profil de son client : il existe des écritures de femmes, d’hommes, de jeunes, de personnes plus âgées, d’amoureux transis, d’indécis ou d’individus en colère.

« L’écriture est le reflet de ce qu’on est. »

Elle a d’ailleurs passé des jours entiers à s’exercer dans sa jeunesse. Dessiner à l’infini le même symbole jusqu’à ce qu’il soit parfait. La calligraphie exige une extrême concentration. C’est une méditation. Lire ce livre, c’est ralentir.

Écrire pour les autres, passé ou avenir ?

Existe-t-il encore des écrivains publics ailleurs qu’au Japon ? En France ? Bien sûr ! L’orthographe reste un marqueur social et tout le monde ne la maîtrise pas. Un peu d’aide n’est jamais inutile au moment d’écrire un CV ou un courrier sensible.

Mais les écrivains publics d’aujourd’hui se sont adaptés. Ils ont des sites Internet et proposent leur aide pour toutes sortes de mission : rédiger l’histoire d’une vie, des articles de blog, des livres pratiques ou des romans. Leur métier a évolué : on n’écrit pas sur le web comme sur du papier à lettres. De nouvelles règles sont apparues : les textes doivent plaire à Mister Google sous peine de ne jamais être lus ; les internautes sont des gens pressés qui picorent ici et là, et se lassent vite ; les spécialistes du développement personnel rêvent d’écrire un feel good book pour asseoir leur notoriété ; les célébrités ne pensent qu’au Tweet qui fera le tour de la planète.

Les écrivains publics existent toujours et plus que jamais. Ils se nomment aujourd’hui « écrivains fantômes », « rédacteurs web », « copywriters », « storytellers », « coachs en écriture », « community managers », que sais-je encore ? Ils se sont diversifiés et digitalisés. Je le sais, j’en ai fait mon métier !

Quoi qu’il en soit, même exercée via Internet, cela reste une activité favorisant les contacts humains. Comment prêter sa plume à quelqu’un sans apprendre à le connaître ? Hatoko l’a bien compris et chacune de ses missions commence par une rencontre.

« Une lettre, c’est comme l’incarnation d’une personne. »

L’écriture, l’imprimerie, Internet. Quelle sera la prochaine révolution humaine ? Des robots-rédacteurs ? Certains en parlent. Moi, ça me fait sourire même si c’est très plausible. J’ai la faiblesse de croire qu’un texte écrit avec son âme dépassera toujours les performances d’une machine.

Ce livre est pour vous si :

  • Les atmosphères studieuses ne vous effraient pas ;
  • Vous êtes curieux de la culture japonaise ;
  • Vous voulez baisser votre fréquence cardiaque le temps d’un roman.

Difficulté de lecture : **

Le petit plus :

La reproduction exacte des lettres écrites par Hatoko dans le livre. C’est l’occasion de visualiser l’écriture japonaise, dont les caractères tombent à la verticale, comme une pluie de dessins symboliques et poétiques.

***
La papeterie Tsubaki – Ogawa Ito
Editions Philippe Picquier pour la traduction en langue française
ISBN : 978-2-8097-1356-5
375 pages
Titre original : Tsubaki bunguten
Traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako
Littérature japonaise

L’ombre sur la lune – Agnès Mathieu-Daudé

L’ombre sur la lune – Agnès Mathieu-Daudé

Il s’est passé quelque chose d’étrange alors que je lisais ce deuxième roman d’Agnès Mathieu-Daudé. Je l’avais acheté à l’aveugle tant j’avais aimé son premier livre, Un Marin chilien, et sa manière d’écrire, si particulière. Mais là, les premières pages me font froncer les sourcils : je n’accroche pas. Pire, je suis agacée. Je comprends mal et le premier personnage entrant en scène ne me séduit pas. Allons bon ! Je ne suis pas une lectrice débutante, que diable ! Je m’entête et entame le second chapitre…

Et la magie opère

On le savait déjà, les personnages d’Agnès Mathieu-Daudé sont pour le moins atypiques. Dans ce roman, nous rencontrons d’abord Attilio, mafioso silicien à la fois cruel et raté, exilé en Espagne pour n’avoir pas su s’imposer. Un garçon séduisant mais peu sympathique, hanté par un crime vieux de vingt ans. L’homme a fait tuer son épouse le jour même de leur mariage, et s’en est allé, sans un regard pour la malheureuse…

Et puis Blanche apparaît. Une pauvre fille, un peu ratée elle aussi, employée de musée exploitée par son patron et ne vibrant que pour un footballeur célèbre dont l’heure de gloire a fini de sonner depuis longtemps.

Au moment où ces deux-là se rencontrent, je suis déjà embarquée dans l’histoire. Blanche m’a touchée. Sa vie bizarre et ses tristes obsessions. Sa dignité. Je suis prise dans l’ambiance. On sent qu’une force est à l’œuvre, le destin peut-être ou bien cette ombre sur la lune. Les pages tournent et le récit avance, hypnotique. Le mot inéluctable prend tout son sens.

Le style d’Agnès Mathieu-Daudé

Si les premiers paragraphes m’ont rebutée, c’est que le style d’écriture est particulièrement dense. Une scène, une vie entière se résume en une phrase, quelquefois sans le moindre raccourci.

« On ouvrit le coffre, les pelles s’entrechoquèrent et la mariée fut enfoncée dans le sable gris, le chignon trop bouclé qui dépassait encore. »

C’est souvent si incongru qu’il me faut relire. Pour être certaine.

Passé un temps d’accoutumance, j’apprécie et savoure l’humour caustique se dégageant de mots judicieusement choisis. La poésie également qui, tel un rayon de lune, éclaire furtivement quelques lignes.

Fernando Torrès, Goya et l’Andalousie

Mais la vraie jubilation est arrivée avec Goya.

Agnès Mathieu-Daudé emmène en effet le lecteur au musée du Prado de Madrid. Blanche, rappelons-le, travaille dans le monde de l’Art et est incollable sur Goya. Je me retrouve donc à déambuler dans les allées du musée et à admirer les toiles du célèbre peintre espagnol. Au passage, j’apprends ce que sont les peintures noires, j’ouvre des yeux ronds devant Saturne dévorant un de ses fils et  m’interroge sur ce fameux Chien qui fait tant parler de lui dans le roman.

L’Ombre sur la lune n’est pas que l’histoire de deux personnages insolites. C’est aussi un voyage dans le sud de l’Espagne : sa passion du foot (vous ne savez pas qui est Fernando Torrès ?), sa peinture, sa folie des arènes et les paysages secs et somptueux de l’Andalousie.

 

L'Andalousie, théâtre de l'Ombre sur la lune (Agnès Mathieu-Daudé)
L’Andalousie, théâtre de l’Ombre sur la lune (Agnès Mathieu-Daudé)

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les livres étranges ;
  • Vous vous demandez comment une certaine beauté peut émerger des choses les plus viles ;
  • Vous appréciez l’humour au second degré.

Difficulté de lecture : ***

Pour une autre lecture burlesque et espagnole, je vous conseille Le Cœur cousu, de Carole Martinez. L’histoire d’une lignée de femmes andalouses ayant un don surnaturel…

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L’Ombre sur la lune – Agnès Mathieu-Daudé Editions Gallimard, 2017 ISBN : 978-2-07-273553-0 203 pages Littérature française

Dans les Angles Morts – Elizabeth Brundage

Dans les Angles Morts – Elizabeth Brundage

Au premier abord, on pourrait être tenté de considérer Dans les angles morts d’Elizabeth Brundage comme un polar. Disons un polar psychologique. Le premier chapitre s’ouvre en effet sur un meurtre : Catherine Clare vient d’être assassinée dans son lit d’une horrible manière. Sa petite fille Franny a passé la journée entière dans la maison, aux côtés d’une morte avant que son père George ne découvre l’épouvantable scène en rentrant du travail. Finalement le drame ne surprend pas tant que ça. Après tout, la maison des Clare est maudite : quelques années auparavant, le couple Hale s’est suicidé dans la même chambre, laissant derrière lui trois fils désormais orphelins.

Voilà pour le contexte.

Une atmosphère

Un polar donc. Ce serait ignorer bien des choses et passer à côté de l’immense richesse de ce roman.

Il faut d’abord se plonger dans l’atmosphère des campagnes un peu mornes du Nord-Est américain. La maison maudite est une ancienne ferme laitière, décrépie, isolée, battue par la pluie et les vents, figée par la neige, veillée par les arbres sur la crête, là-haut, d’où l’on peut observer ses fenêtres et parfois, ses habitants. La plume d’Elizabeth Brundage vous plonge les pieds dans la terre et souffle un air glacé dans vos cheveux.

« La maison avait quelque chose d’étrange. »

Vous êtes inquiet ? Vous pouvez l’être. L’âpreté des paysages n’est qu’un préambule.

Des personnages complexes

Sur ces terres moroses évoluent des personnages dont on ne perçoit d’abord que la surface : leur situation familiale ou financière, un peu de leur histoire, un peu de leurs envies. Vous y croiserez des femmes lassées de ne pas être libres et rêvant d’indépendance en cette fin des années 70. Des étudiants hésitants, des jeunes avides d’échapper à leur milieu. Des fermiers ruinés côtoyant les nouveaux riches venus de la grande ville.

Et puis, lentement, l’auteure se met à creuser. Elle s’enfonce dans l’épaisseur des personnages, explore leur psychologie, tente de voir « dans les angles morts ».

« (…) en voyant la femme qu’elle était, sous celle qu’il connaissait comme sa mère, il avait eu peur. »

Elle révèle ce qui se trouve au-delà. Des apparences, de la bienséance, des conventions. De ce que l’on accepte de montrer. De la vie terrestre parfois. Vous n’êtes pas à l’abri de croiser un fantôme entre ces pages.

Vous verrez alors apparaître un vrai méchant, se jouant des autres, masquant sa perversité, composant avec sa vulnérabilité. Un vrai méchant à vous glacer les sangs car il est de ceux qui trop souvent hantent la réalité.

« Les gens ordinaires abritent en eux des démons. »

Qui a tué Catherine Clare ?

Difficulté de lecture : **

Dans les angles morts est pour vous si :

  • Vous aimez les personnages fouillés et terriblement bien construits ;
  • Vous aimez les romans riches, qui évoquent des thèmes multiples sans pour autant se diluer ;
  • Vous voulez découvrir ce que l’on ne voit pas.

Le petit plus : pour l’aspirant écrivain, ce roman est un bon exemple de jeu sur les points de vue. Les mêmes événements perçus par différents personnages, passés au filtre de leurs émotions, revisités, édulcorés parfois par ceux qui ne veulent pas tout dire ou tout comprendre… Un bel exercice de style.

L’ouvrage fait partie de la sélection de « Secrets d’Auteurs », box littéraire et magazine offrant un éclairage intéressant sur les livres proposés. Cet opus est particulièrement intéressant : vous y entendrez les voix de l’auteure, de la traductrice (Cécile Arnaud) et de l’éditrice française (Alice Déon).

***

Editions Quai Voltaire / La Table Ronde, 2018, pour la traduction française
ISBN : 978-2-7103-8381-9
528 pages
Littérature américaine
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cécile Arnaud
Titre original : All Things Cease to Appear

Elizabeth Brundage est américaine et Dans les angles morts est son quatrième roman, le premier traduit en Français. Elle vit aujourd’hui près d’Albany dans l’état de New-York.

Un tilleul n’est pas un peuplier – Jacqueline Dewerdt-Ogil

Un tilleul n’est pas un peuplier – Jacqueline Dewerdt-Ogil

Un tilleul n’est pas un peuplier – Jacqueline Dewerdt-Ogil

Notre époque a cela de merveilleux qu’elle permet de rencontrer les auteurs de romans. Alors me voilà, un vendredi soir, en plein cœur du vieux Lille, pour la présentation du roman « Un tilleul n’est pas un peuplier », par Jacqueline Dewerdt-Ogil elle-même. C’est la fin d’une journée de printemps et l’ambiance est conviviale.

L’auteure nous parle de son parcours : ateliers d’écriture (nous avons ceci de commun que nous suivons les conseils avisés de Martine), concours et recueils de nouvelles, et enfin, ce premier roman à la couverture et au titre singuliers.

Puis vient la lecture de quelques passages bien choisis. Jacqueline Dewerdt-Ogil est bonne comédienne : elle donne vie à ses personnages, suscite l’envie de mieux les connaître, pousse à placer son livre en haut de votre pile à lire. C’est ce que j’ai fait. Belle découverte.

Jacqueline Dewerdt, lecture de son roman

L’auteure, lisant quelques passages de son roman

Jean est un jeune retraité, un peu perdu depuis son divorce. Jeanine l’a quitté après quarante ans de vie commune. Désœuvré, il se tourne vers son passé, revisite le village de son enfance, erre dans les rues, à la recherche de… il ne sait pas vraiment. Et Thérèse apparaît soudain sur un bout de trottoir, à peine aperçue, aussitôt disparue. Est-ce bien sa demi-sœur qu’il vient de voir, cette femme avec qui il a peu de souvenirs communs et qu’il n’a pas côtoyée depuis des décennies ? La question devient obsession : il faut désormais qu’il la retrouve.

Le décor est planté. Le frère recherche la sœur, et à travers elle tente de comprendre quelques pans obscurs de son enfance. Il n’est pas né français, mais de parents étrangers. Le mystère plane sur les origines de la famille, quelques souvenirs troubles reviennent le hanter.

« Tout cacher, que personne ne sache rien. Et que le fils se débrouille avec ses cauchemars. »

L’auteure aborde le double thème de la migration et des secrets familiaux. Reconstituer l’arbre généalogique, ajouter des dates et des noms. Les bons lieux également. Où chercher lorsque l’on est français, mais considéré comme étranger ? Pas si simple. Et pourtant, comment continuer à vivre, construire et avancer quand le doute subsiste ?

« Sans savoir d’où il venait, il ne pouvait aller nulle part. »

Jean s’obstine, à la recherche d’une Thérèse introuvable et d’un passé qui se dérobe. Peu à peu le lecteur se prend au jeu et ne demande qu’à comprendre.

C’est une quête baignée de l’atmosphère si particulière des régions du Nord. Vous entendrez le patois picard entre ces pages et vous amuserez de la chaleur des estaminets. Un voyage initiatique, à la fois local et lointain, servi par une très jolie plume. Un suspense lent mais prenant. Un roman comme je les aime.

A lire également sur le blog :

Sur le thème de la recherche d’identité et des secrets de famille, « A l’encre russe », de Tatiana de Rosnay.

Sur la région du Nord et ses mystères, « La créature des 7 vallées », de Philippe Bialek.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les histoires simples, mais pas tant que ça
  • Vous aimez les ambiances de terroir
  • Vous voulez lire un premier roman de qualité (et j’espère qu’il sera suivi de nombreux autres !)

Le petit plus : un aspect de l’histoire de France (et d’ailleurs) que l’on connaît mal. De quoi réfléchir aux événements actuels…

***

Zonaires éditions, 2018

ISBN : 979-10-94810-13-2

280 pages

Littérature française