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Je délaisse la rentrée littéraire actuelle pour puiser dans les années passées et explorer une nouvelle fois les romans de Tatiana de Rosnay. On peut dire que ces derniers sont plutôt variés et se ressemblent peu les uns les autres. Même si certains thèmes reviennent régulièrement.

Tatiana de Rosnay aime les pierres, les lieux emblématiques porteurs d’une histoire forte, catalyseurs d’émotions. Il s’agit ici d’un hôtel de luxe, sur la côté italienne, à l’origine bâti pour abriter les amours stériles d’un pilote et d’une riche héritière. C’est là que choisit de se réfugier Nicolas Kolt, écrivain célèbre et adulé, pour jouir de son récent statut d’auteur à succès.

En jouir ou faire une pause. Pris dans le tourbillon sans fin des interviews, séances de dédicaces et autres autosatisfactions dûment étalées sur les réseaux sociaux, il arrive là plus ou moins incognito et profite de quelques jours pour réfléchir. Son premier roman l’a porté sur le devant de la scène, il lui faut maintenant écrire le second.
Oui mais…

Ecrire n’est pas si simple. Le métier ne se résume pas à quelques après-midi isolés devant un clavier, au jeu de séduction des éditeurs ou aux contrats juteux signés entre deux cocktails. Entre ces pages, Tatiana de Rosnay explore le processus d’écriture, remonte le flot des mots pour revenir à la source des histoires, réelles ou imaginaires, et à ce moment faits de tant d’autres où jaillit l’idée d’un roman. D’où viennent les livres, comment mûrissent-ils dans l’esprit des auteurs ?

Elle visite également la grande galerie des idées reçues attachées aux écrivains, la mascarade de la célébrité, la mince frontière qui sépare parfois l’admirateur du fan en colère, les questions insipides de certains journalistes ou la gloire dangereuse amenée par les critiques littéraires.

« La vie n’est pas une grande tournée littéraire. »

Elle rend hommage à quelques écrivains russes ayant résidé à Saint-Pétersbourg, cette ville où elle-même a quelques racines. Raison pour laquelle elle choisit une encre russe pour nous exposer l’histoire de Nicolas Kolt.

Comme Tatiana de Rosnay, ce dernier se voit un jour forcé de prouver sa nationalité française, ses deux parents étant tous deux nés hors de France. C’est d’ailleurs ce qui lui donne l’idée de son premier roman. Ce qu’il découvre lors de ses démarches administratives change sa vie à jamais. Il plonge dans la noirceur des secrets de famille, de ceux qui influencent une existence par petites touches, sans qu’on s’en doute, et qui, si l’on est chanceux, finissent par éclater au grand jour, laissant à la vie la possibilité de reprendre un cours dévié mais plus naturel.

Il part en quête de son identité, savoir d’où il vient pour être capable de poursuivre sa route. Thème éternel, jamais épuisé.

Le roman est lent, alterne flash-backs et scènes de plage. Jusqu’à un curieux final, un peu forcé peut-être, mais qui permet à Nicolas Kolt de mettre un terme à cette épuisante introspection. Ou peut-être de lui donner un nouveau souffle.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous vous intéressez au processus d’écriture
  • Vous aimez les remises en question
  • Vous êtes accro aux réseaux sociaux

Le petit plus : la longue énumération des routines d’écriture d’écrivains célèbres, classiques ou contemporains. C’est savoureux.

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Editions Héloïse d’Ormesson, 2013 (pour la traduction française)
ISBN : 978-2-253-17754-8
373 pages
Titre original : Russian ink
Traduit de l’anglais par Raymond Clarinard
Littérature franco-anglaise