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Ecrire avec Bernard Werber

Même si vous n’aimez pas lire (un peu quand même puisque vous êtes sur cette page), il est fort probable que quelqu’un vous ait déjà parlé du fameux « livre des fourmis ». Celui écrit par Bernard Werber. Il s’agit en réalité d’une trilogie, dont le premier tome, « Les Fourmis » donc, a connu un succès retentissant en 1991 (si l’on ne craint pas les anachronismes, on peut dire qu’il a fait le buzz). D’ailleurs, on en parle encore aujourd’hui. Tout l’intérêt du roman résidait dans le fait qu’il donnait le point de vue de ces êtres minuscules, en parallèle avec celui des humains. Du jamais vu à l’époque (ou alors, rarement). Comme beaucoup, je me suis passionnée pour l’histoire de n°327 (fourmi guerrière) et de ses congénères.

Bien d’autres romans de l’auteur ont suivi depuis, plusieurs trilogies, tous abordant des thèmes plutôt classiques avec une originalité sans pareil (la mort, les Dieux, le rire, etc.) Je vais être honnête, j’ai d’abord été enchantée, et puis je me suis lassée, abandonnant l’auteur à sa « troisième humanité ». Il y avait là trop de raccourcis et d’incohérences pour la scientifique pragmatique (mais néanmoins amateur de fantastique) et amoureuse des mots que je suis.

J’ai pourtant toujours reconnu à Bernard Werber une imagination impressionnante et le talent précieux de raconter des histoires, créer et maintenir le suspense. Si vous ne l’avez jamais lu, tentez l’expérience !

Où donc trouve-t-il toutes ces idées ?

C’est pour tenter de répondre à cette question que je m’inscris à la master class organisée par l’auteur au mois de mai, à Paris. Trois heures de discussion et d’échange avec le public, au théâtre les Feux de la Rampe, par un bel après-midi ensoleillé. 130 personnes ont, comme moi, préféré l’obscurité d’une salle de spectacle aux joies du grand air. Preuve que l’écriture attire.

Lorsque le rideau s’ouvre, Bernard Werber apparaît, avec un ordinateur et un écran. L’assemblée est prête pour un atelier d’écriture original.

Premier constat, l’homme est particulièrement sympathique et proche de ses lecteurs. Beaucoup d’humour et d’humilité. Sans chichis, il nous livre sa vision de l’écriture et de la littérature. Il instaure un dialogue, posant d’incessantes questions à l’assistance : « avez-vous déjà terminé et soumis un manuscrit ? Combien de livres lisez-vous chaque année ? Connaissez-vous tel ou tel roman ? » Il s’intéresse, et c’est plaisant.

C’est alors que démarrent les exercices d’écriture.

Ces intermèdes ponctuent l’exposé. Une douzaine en tout. Ils illustrent les propos de l’auteur tout en permettant de les appliquer sur un exemple concret. Il s’agit d’écrire quelques lignes en une minute, en suivant la consigne. Puis les volontaires (et uniquement les volontaires) livrent leurs trouvailles au reste du public. Le premier exercice donne le ton, et le fil rouge de l’atelier : pour prouver qu’il est possible d’écrire sur tout, l’auteur nous demande de proposer les sujets les plus inintéressants qui soient. L’assemblée vote en majorité pour « la vie d’un coton-tige »…

Croyez-moi ou non, ça fonctionne ! Les apprentis écrivains se prennent au jeu, se lancent et lisent leurs lignes en y mettant le ton. Ni pression ni concurrence, l’ambiance reste bon enfant. Je suis abasourdie par l’esprit dont les participants font preuve. Et la qualité de ce qu’ils écrivent augmente au fil du jeu. Notre valeureux coton-tige devient le héros d’aventures inédites : il est tour à tour jouet du chat, allumette pour chauffe-eau fatigué, arme du crime, machine à remonter le temps ou bien amant du disque à démaquiller. Bernard Werber a gagné son pari. La mayonnaise a pris. Son discours plein d’humour a débridé la créativité de l’assistance. Tant et si bien que le temps manque en fin de séance. Qu’importe, les messages sont passés.

Les messages ?

Voici, en gros, ce que j’ai retenu :

L’important, c’est l’histoire

Par opposition aux auteurs qui privilégient le style, Bernard Werber donne la priorité à l’histoire. Selon lui, l’une des meilleures raisons d’écrire est que l’on adore raconter des histoires et les faire vivre aux lecteurs. C’est aussi ce qui plaît au public… et souvent déplaît aux médias et aux critiques littéraires.

Pourquoi devoir sans cesse opposer ces deux conceptions de la littérature ? J’ai lu nombre d’auteurs qui racontaient des histoires passionnantes en écrivant d’une jolie manière. Style et intrigue ne sont pas incompatibles, n’est-ce pas ? Et, selon moi, l’un sans l’autre devient vite ennuyeux.

Toujours est-il que Bernard Werber prône une littérature immédiate, fluide et intuitive. Il écrit généralement un premier jet sans s’arrêter afin de donner plus de puissance au récit. Puis retravaille ses textes.

Toujours aller au bout

Il y a pire que produire un manuscrit médiocre, c’est de ne rien faire du tout ! Ecrire fait peur : peur du jugement, de l’imperfection, du ridicule. Celui qui écrit a au moins le mérite d’essayer. C’est ce que je me répète en boucle chaque fois que je soumets un texte à quelqu’un.

Il est également conseillé d’achever les manuscrits plutôt que les laisser, incomplets, dormir dans un tiroir. Dans le pire des cas, on s’améliore !

Cultiver son imagination

Selon Bernard Werber, chacun a un potentiel d’imagination important (infini ?) Mais il se travaille. Chez lui, c’est un muscle bien entraîné. Pour cela, pas de miracle, il faut de la régularité. Ecrire tous les jours, même très peu, permet d’entretenir la créativité (voir aussi « Le réflexe créatif », de Twyla Tharp). La vie quotidienne est elle-même une grande inspiratrice. Les idées se nichent partout : dans les rêves, les petites annonces de journaux, les faits divers, les livres, les voyages, le cinéma. Pour écrire, il vaut mieux éviter d’être ermite, mais se confronter au monde et s’en nourrir.

Les exemples donnés par l’auteur sont surprenants… et hilarants !

Utiliser les bons outils

Une fois que l’on a la motivation et l’idée, de nombreux outils sont à la disposition de l’apprenti écrivain. Bernard Werber nous livre nombre de conseils intéressants : les structures narratives qui ont fait leurs preuves (les différentes phases par lesquelles passe le héros), des exemples de bons incipits (toute première phrase d’un roman), les personnages incontournables (comment faire un « bon » méchant ?), l’entretien du suspense, ce qui fait une bonne chute. Aucune recette toute faite, mais des pistes précieuses !

La publication

Trouver un éditeur est loin d’être simple. Sans parler de devenir célèbre, gagner beaucoup d’argent, être récompensé par un prestigieux prix littéraire… Pour l’auteur, la véritable récompense est dans la création, non dans l’attente d’une reconnaissance…

En résumé ?

En résumé, un après-midi sympathique et créatif. Relirai-je Bernard Werber ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas changé d’avis sur le fait que son talent pour imaginer l’inédit est immense. Puissé-je m’en inspirer !

Pour d’autres conseils sur l’écriture, venant d’un des plus grands raconteurs d’histoires, vous pouvez aussi lire « Ecriture, mémoires d’un métier », de Stephen King.

Si vous êtes intéressé par la master class de Bernard Werber, vous trouverez toutes les infos sur son blog http://www.bernardwerber.com/blog/ou sa page Facebook https://www.facebook.com/Bernard.Werber.officiel/

Et vous, que faites-vous pour entretenir et développer votre créativité au quotidien ?

Le livre des Baltimore – Joël Dicker

Et voilà ! Je me suis laissé avoir. J’ai été embarquée par Joël Dicker et son indéniable talent pour raconter les histoires.

Pourtant les thèmes qu’il aborde dans « le livre des Baltimore » n’ont rien d’original : l’amitié, l’amour, la jalousie, l’ambition. Lus et relus.

Il existe par ailleurs un nombre incalculable d’autres romans ou thrillers aux intrigues plus alambiquées, supposées maintenir l’attention par la tension. Des livres qui créent des meurtriers à la cruauté insensée et des rebondissements à la chaîne.

Ici, nul besoin de tant d’artifices.

Les thèmes de toujours sont entremêlés dans une histoire familiale à l’apparence banale. Par petites touches, l’auteur installe le décor et le contexte. Il sème des doutes et des questions. Se garde bien d’y répondre. Les laisse mûrir dans l’esprit du lecteur. Y revient parfois pour les entretenir. Jusqu’aux révélations finales où tout se met en place dans une logique bien plus réaliste que celle de nombreux livres à suspense.

Peu d’adrénaline dans ces pages. J’ai pourtant eu bien des difficultés à les lâcher pour retourner dans la vraie vie (car lire, c’est bien si l’on n’oublie pas de dormir de temps en temps).

L’histoire nous est livrée par Marcus Goldman, personnage déjà croisé dans le précédent ouvrage de l’auteur, « la vérité sur l’affaire Harry Québert ». Marcus est un écrivain célèbre. Il s’isole pour s’atteler à son prochain roman. C’est l’occasion pour lui de replonger dans le passé et de s’interroger sur les racines du Drame survenu dans sa famille quelques années plus tôt.

Cet évènement est l’interrogation principale du lecteur : que s’est-il passé à Baltimore, quelques années auparavant ?

Je n’en dirai pas plus sur l’histoire, si ce n’est que Marcus et ses cousins Hillel et Woody se retrouvaient régulièrement dans leur jeune temps, pour grandir, expérimenter et former le fameux « Gang des Goldman ». Mais toutes les époques dorées ont une fin.

« Le temps béni de notre enfance était perdu à jamais et il serait impossible de le retrouver. »

Comme dans son précédent roman, Joël Dicker maîtrise à la perfection l’art délicat du flashback. Et il ne s’agit pas ici de simples allers-retours entre deux époques ou deux personnages. Non, l’auteur nous balade d’une année à l’autre, n’utilisant la progression chronologique que dans les grandes lignes et pour amener lentement l’intrigue vers son dénouement.

« Tout commence comme tout finit et les livres commencent souvent par la fin. »

Comment fait-il pour que le lecteur ne s’y perde pas ? Il s’explique dans une interview intéressante donnée, il y a presque deux ans, dans l’émission « La Grande Librairie » (plage de temps 6 :22 à 20 :58, notamment à partir de 14 :57) :

Interview Joël Dicker (la Grande Librairie)

Son secret : la clarté ! S’il ne comprend pas lui-même, il y a peu de chance pour que le lecteur y parvienne ! Cela paraît un peu idiot, mais quiconque a déjà tenté l’expérience de l’écriture sait que l’exercice est loin d’être évident. Le résultat est un style agréable, ni simpliste ni trop complexe. Et surtout, un livre captivant, un page-turner, dirait-on à Baltimore.

Dans l’interview, Joël Dicker nous confie également son projet de trilogie. S’il décide finalement de le mener à terme, nous devrions avoir le plaisir de retrouver Marcus Goldman dans un prochain opus. Croyez-moi, je ne manquerai pas ce rendez-vous.

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Le thème des liens familiaux vous intéresse
  • Vous aimez vous interroger sur ce qui compose la réussite sociale
  • Vous aimez l’ambiance américaine

Le petit plus : un voyage aux Etats-Unis, de New York à Miami, de Baltimore à Nashville. Périple géographique le long de la côté Est, va-et-vient climatique à travers les saisons, et oscillations sociales, entre milieu modeste et réussite flamboyante.

Un petit tour à New York ?

Si je vous dis « New York », à quoi pensez-vous ?

Sans doute à la statue de la Liberté, Wall Street, l’Empire State Building, le 11 septembre, Central Park, les taxis jaunes ou bien Broadway. Oui, New York, c’est tout ça, et bien plus encore.

J’ai eu la chance immense d’y passer quelques jours récemment, et n’ai pas manqué de suivre les pas des millions de touristes qui arpentent chaque année les rues rectilignes de la ville.

Et puis… A l’étranger comme ailleurs, je garde toujours un œil sur les devantures des librairies, on ne se refait pas. Entre deux magasins de la 5ème Avenue se dresse, massif, un immense bâtiment dont l’architecture contraste avec les buildings alentours : une allure de temple grec, des colonnes et des statues, un escalier monumental et deux lions majestueux qui montent la garde d’un air bienveillant. C’est la fameuse NYPL, New York Public Library.

Des gens entrent et sortent en permanence. Certains sont assis sur les marches, absorbés par le flux de la circulation. Une mariée et ses demoiselles d’honneur posent au pied d’une jarre colossale. Un auteur attend le lecteur intéressé pour une discussion passionnée. Le lieu attire.

Selon mon guide, les deux lions s’appellent « Patience » et « Force d’Âme ». De bien nobles gardiens. A l’entrée, contrôle rapide des sacs. Puis on accède à un magnifique hall de marbre, tout en voûtes et colonnades. De grands lustres et candélabres donnent un reflet doré à la pierre blanche et aux bustes des alcôves. Ce jour-là, j’erre un peu au hasard dans le bâtiment, en suivant le mouvement des visiteurs.

Tout est immense. C’était le vœu des fondateurs. Au XIXème siècle, New York était rapidement devenue l’une des villes les plus importantes au monde, désormais puissante rivale de Paris et Londres. Un tel centre urbain se devait d’avoir une bibliothèque digne de ce nom. Le gouverneur Samuel J. Tilden (1814-1886) légua l’essentiel de sa fortune pour « établir et maintenir une bibliothèque et une salle de lecture dans la ville de New York ».

A l’époque, il existait déjà deux établissements d’importance, les bibliothèques Astor et Lenox, avec un accès très limité au public. La première avait été fondée grâce à la générosité de John Jacob Astor, immigrant allemand qui était à sa mort l’homme le plus riche d’Amérique. La seconde fut établie à partir de la collection personnelle de James Lenox, qui comprenait par exemple, le premier exemplaire de la Bible de Gutenberg à atteindre le Nouveau Monde. Les deux pataugeaient dans les difficultés financières.

Sous l’impulsion d’un homme de loi New-Yorkais, John Bigelow, il fut décidé que les différentes ressources, littéraires et financières, Astor, Lenox et Tilden, seraient combinées pour former une nouvelle entité : The New York Public Library (NYPL). L’accord fut signé le 23 mai 1895 et salué comme un exemple sans précédent de philanthropie privée pour le bien public.

Il fallut 16 ans pour que l’ensemble du bâtiment soit érigé et inauguré, le 23 mai 1911. Le succès fut immédiat : entre 30000 et 50000 visiteurs se présentèrent le lendemain, jour de l’ouverture. L’un des premiers documents empruntés fut une étude sur Friedrich Nietzsche et Léon Tolstoï. Le lecteur adressa sa demande à 9h08 le matin et reçut le livre seulement six minutes plus tard. Une prouesse pour une époque sans informatique.

Andrew Carnegie contribua également au projet, notamment aux 39 annexes disséminées dans la ville, de quoi amener la culture à chaque coin de rue.

Rapidement, la New York Public Library devint un élément essentiel du tissu intellectuel de la vie américaine. Parmi ses premiers bénéficiaires étaient les immigrants récemment arrivés, que la bibliothèque mit en contact avec la littérature et l’histoire de leur nouveau pays, mais aussi le patrimoine amené d’Europe ou d’ailleurs.

Aujourd’hui, la bibliothèque compte 92 sites dispersés dans Manhattan, le Bronx et Staten Island (les deux autres quartiers de New York, Brooklyn et le Queens, ayant mis en place un système séparé avant la consolidation de la ville). Son fond est très riche, plus de 51 millions de documents divers, livres, manuscrits, notes, lettres, autographes (notamment de grands auteurs américains), cartes et photographies. La consultation y est rapide et facile, grâce à une organisation efficace encore améliorée par l’avènement de l’ère numérique. En bref, un temple des lumières et de la connaissance.

Dans les étages, le bois habille la pierre, les peintures monumentales ornent les halls et le silence envahit les immenses salles de lecture. Je m’assois quelques instants devant un écran, et m’imagine en quête du savoir (j’ai l’air sérieux sur la photo, pas vrai ? C’est pour de faux !) Encore quelques minutes à admirer (envier ?) les étudiants et les chercheurs concentrés, un petit tour à la boutique (pour acheter le mug NYPL) et je retrouve l’air extérieur.

 

Mais la bibliothèque n’a pas dit son dernier mot ni livré toutes ses ressources…

Derrière le bâtiment se trouve l’un des endroits les plus agréables de Manhattan, Bryant Park. Tout y est propice à la lecture : de la verdure, des chaises, de quoi boire ou manger sur le pouce, des livres et des magazines en libre service. Les arbres et les buildings semblent veiller sur le lieu et étouffent quelque peu le bruit de la circulation. Les étudiants et les promeneurs s’y reposent, bouquinent ou discutent au soleil.

Ce samedi-là pourtant, le calme n’est pas de mise. Les New-Yorkais insatisfaits s’y sont donné rendez-vous pour une manifestation haute en couleur contre les agissements de leur président. Les pancartes rivalisent d’humour cynique dans une ambiance qui reste bon enfant. Plus tard, le cortège remontera la 5ème Avenue jusqu’à la Trump Tower sous l’œil impassible de cohortes de policiers…

Mon tour à New York est terminé. Peut-on dire que j’ai gardé le meilleur pour la fin ? Non, puisque, pour l’Européenne que je suis, tout est incroyable dans cette ville. Une chose est sûre cependant. Le café servi dans un mug de la New York Public Library a un petit goût littéraire incomparable !

Pour en savoir plus (et pour les anglophones) : https://www.nypl.org/help/about-nypl/history (source de cet article pour la partie historique)

Avez-vous déjà visité ce genre de bibliothèques monumentales ? N’hésitez pas à partager vos expériences dans les commentaires, histoire de nous faire rêver !

Sincères condoléances – Erling Jepsen

Les réunions de famille… Un pur bonheur diront certains. L’enfer sur terre pour d’autres. Quelle que soit votre opinion, les retrouvailles de la tribu danoise évoquée dans ce roman ne vous laisseront pas indifférent.

Tout commence par la mort du père. Un bien méchant homme, si l’on en croit les premières lignes. Il meurt seul ou presque, puisqu’il a depuis longtemps interdit à deux de ses enfants de venir lui rendre visite. Sa femme et le troisième rejeton, quant à eux, semblent presque soulagés par cette disparition.

Finalement, peu après les funérailles, Allan et Sanne, les enfants bannis, retournent dans leur Jütland natal pour régler les comptes et l’héritage. La réunion de famille peut enfin commencer.

« Il fallait juste que le père meure avant. »

Au fil des dialogues et des réflexions d’Allan, se brosse un portrait édifiant de la famille. L’auteur suit les personnages comme s’il était muni d’une caméra, décrit chacun de ces gestes que l’on fait sans y penser, lorsqu’on est perplexe ou préoccupé.

« Tous les trois restèrent un moment le regard baissé, comme s’ils cherchaient quelque chose dans l’herbe. »

Ni fioritures, ni euphémismes. La vie d’une famille, étalée, décrite avec ses turpitudes et ses incohérences. Il en résulte un récit caustique, souvent burlesque.

« Toutes les familles ont leurs petites histoires, dit Charlotte.

– Oui, mais pas autant que la nôtre, je peux te l’assurer, dit Margrethe. »

Les objets eux-mêmes semblent cristalliser les émotions et les non–dits. La salle de bains au chauffage par le sol, symbole des rêves avortés. Le canapé du salon qui en a vu plus qu’il n’aurait dû. L’horloge de Bornholm qui sonne les heures sombres et abrite le fusil du père. Le mouchoir d’Hamburg derrière lequel la mère se cache chaque fois qu’elle se sent embarrassée. Et la fameuse casquette de laitier, chef de file de cette armée de témoins.

Ajoutez à ça une ambiance danoise qui ne nous est pas familière, vous obtenez un roman atypique et croustillant !

« Les Danois ne pleurent pas assez à mon avis. Et quand ils pleurent, c’est toujours trop tard. »

Allan finit par mener une enquête acharnée. Il n’a pas assisté à la mort de son père et a besoin de comprendre. Retour sur le passé. Interrogations. Recherche des responsabilités.

« Je sens qu’il s’est passé quelque chose d’épouvantable (…) Et je veux savoir qui est coupable. »

Est-il possible que personne ne soit au-dessus de tout soupçon ?

Difficulté de lecture : **

Ce livre est pour vous si :

  • Vous aimez les personnages hauts en couleur. Croyez-moi, ce roman en comporte quelques-uns, bien gratinés. La mère est loin d’être la dernière. Le lecteur la découvre, page après page, et son sang se glace…
  • Vous aimez l’humour qui n’en a pas l’air
  • Vous aimez les histoires de famille compliquées

Le petit plus : la lecture de ce roman m’a poussée à regarder une nouvelle fois la carte du monde, et réaliser que Copenhague, la capitale, se trouve sur une île. Et le Jütland, lieu d’enfance d’Allan, est ce prolongement du continent qui se perd dans la mer du Nord (le Danemark est composé de ladite péninsule et de 443 îles. Viennent s’ajouter le Groenland et les îles Féroé pour former le Royaume du même nom). La contrée semble rustique. Les habitants ont leur propre patois, ils mangent des pets-de-nonne et des biscuits au saindoux. Tout un programme.

Deuxième petit plus : j’en ai déjà parlé, les éditions Sabine Wespieser privilégient le papier de qualité et le format carré. Les livres sont agréables à manipuler, les couvertures sobres et les titres originaux. Une bonne idée de cadeau pour tout amateur de lecture. Merci à Céline qui me les a recommandées.

***

Paru aux éditions Sabine Wespieser, 2011

pour la traduction française

ISBN : 978-2-84805-094-2

329 pages

Traduit du danois par Caroline Berg

Titre original : Med venlig deltagelse

Littérature danoise

Expédition au salon du livre de Paris

Le printemps annonce la belle saison mais aussi le retour de nombreux évènements culturels. Le salon du livre de Paris compte parmi les premiers de l’année. Ce n’est pas le moindre. Il ne ressemble à aucun autre. Et surtout pas aux manifestations locales que je fréquente habituellement…

Dimanche 26 mars, 6 heures du matin

Ouille ! Au moins le réveil sonne-t-il pour la bonne cause aujourd’hui. Trois heures de route en comptant la pause café et me voici Porte de Versailles à Paris. Le trafic est intense même s’il est moins féroce qu’en semaine. Je parviens à faufiler la voiture jusqu’aux immenses parkings du parc des expositions. Je décide de déjeuner en dehors du salon où les sandwichs sont probablement trop chers et sans goût. Je trouve une brasserie et mange un plat trop cher et sans goût. Ҫa m’apprendra à être si peu prévoyante.

13h (et -12 € pour le droit d’entrée) : j’entre dans le hall d’exposition. C’est grand. Terriblement grand. Ҫa ressemble même à une librairie géante ! Des piles de livres, des tables couvertes de livres, des étagères remplies de livres. Des livres partout.

C’est un rêve et pourtant je blêmis. Par où commencer ? Comment m’organiser ? Pour ce qui est de ne pas être prévoyante, je décroche la palme. J’ai bien jeté un œil au site officiel où, bêtement, je pensais trouver la liste des auteurs en dédicace. La liste y était. Mais tellement longue qu’elle était impossible à consulter pour qui n’avait pas une idée précise en tête. Bref le site m’a déplu et je l’ai vite abandonné. J’improviserai, me suis-je dit ce jour-là. C’était bien naïf.

Qu’à cela ne tienne ! Puisque je n’ai rien préparé, autant errer et voir ce que la visite apportera.

Voici mes découvertes dans le désordre :

  • La borne Short Editions

Short Editions est un site dédié à la littérature courte. Chacun peut y déposer des textes dont la lecture ne prend que quelques minutes. Des concours sont organisés régulièrement et les textes plébiscités par les votes en ligne sont publiés dans des recueils trimestriels. L’éditeur a par ailleurs installé des bornes dans les gares ou les lieux d’attente. Il suffit d’appuyer sur un bouton (au choix : 1, 3 ou 5 minutes de lecture) et un texte de la durée correspondante s’imprime sur un rouleau de papier. De quoi patienter jusqu’à l’arrivée du train. Je n’avais encore jamais croisé ces bornes. J’ai eu l’occasion d’en tester une au salon du livre. Petite satisfaction personnelle, trois de mes textes ont été choisis par Short Editions, et sans doute livrés au hasard dans une gare par cet ingénieux dispositif.

  • La maison d’édition Sabine Wespieser

Elle m’a été recommandée par une amie. Je suis donc allée sur le stand et ai choisi deux livres parmi ceux exposés. Tous les ouvrages proposés par cette maison d’édition ont un format original (carré) et un papier lisse, de bonne qualité et très agréable à manipuler. Oui, c’est plus cher, mais quel plaisir !

La chronique de « Sincères condoléances » (Erling Jepsen) sera bientôt postée sur le blog.

Ci-dessous le site officiel, et un article sur la créatrice de cette maison d’édition atypique.

http://swediteur.com/index.php

Article sur les éditions Sabine Wespieser

  • La sagesse des mythes

J’avais repéré ces BD sur Facebook. Dans un lointain passé, les mythologies grecque et romaine m’avaient fascinée pendant les cours de latin. J’avais à l’époque une prof qui semblait littéralement vivre les aventures des Dieux et des Déesses quand elle les évoquait ! Depuis, je me suis souvent désespérée en constatant que la nouvelle génération était si peu sensible à cette Antiquité. Et voilà qu’apparaît cette collection de BD reprenant les plus grands mythes ! Chaque ouvrage se termine par quelques pages explicatives, reprenant notamment l’origine de quelques expressions de la langue française que l’on doit aux péripéties des héros de l’époque.

J’ai offert « Thésée et le Minotaure » à mes enfants : connaissez-vous l’horrible histoire du lit de Procuste ? Savez-vous ce que sont des « paroles sybillines » ?

Un bon moyen d’améliorer sa culture générale en se distrayant.

  • Le stand du Québec

J’ai craqué à nouveau. Je n’y peux rien, le Nord au sens large me fascine. Donc le Québec. Donc je suis allée sur le stand du Québec et ai parlé quelques instants avec Anaïs Barbeau Lavalette. J’ignorais que son livre « La femme qui fuit » allait me fait découvrir un pan d’histoire… La chronique du blog est par ici.

  • Le stand des Hauts de France

Et tant qu’à aimer le Nord, il fallait bien que je fasse un tour dans les Hauts de France. J’ai trouvé originale l’initiative des éditions « Cours toujours » qui proposent des livres autour d’objets symboliques de ma région. J’ai choisi la brique avec « Briques à branques », de Philippe Moreau-Sainz qui m’a gentiment dédicacé un exemplaire. Je ne peux pas vous en dire plus, puisque je ne l’ai pas encore lu. Mais ça va venir.

  • Les contes des sages

Enfin, j’ai découvert la collection des « contes des sages », parue au Seuil, et suis repartie avec quelques belles histoires scandinaves et mongoles. Les contes sont souvent dépositaires de la culture d’un pays, et sont une bonne inspiration pour qui s’essaie à l’écriture créative !

16h30 : les allées sont bondées ! C’est samedi, heure d’affluence. J’ai aperçu plusieurs auteurs et personnalités, parmi lesquels Jean d’Ormesson, Yasmina Khadra, Philippe Besson, Franch Thilliez, l’un des frères Bogdanov (lequel ?), Pierre Bordage, et j’en oublie sans doute. Pas le courage de faire la queue pour arracher une signature sans avoir le temps d’une discussion même courte. J’attendrai de meilleures occasions. Trop tard pour visiter le stand du Maroc, invité d’honneur cette année. Dommage.

Et puis je suis épuisée ! Je retrouve ma voiture et repars vers mon Nord avec une nouvelle pile de livres. Cette expédition dans la librairie géante a été une bonne expérience. Instructive. J’ai dû commettre toutes les erreurs à éviter.

Notes pour l’année prochaine :

  • Venir en train
  • Amener le pique-nique
  • Prévoir deux jours, si possible le vendredi pour éviter le pic du week-end
  • Décider d’un budget à ne pas dépasser
  • Amener un carnet pour les idées lecture qui n’entrent pas dans ledit budget (attention : les stands oublient de présenter les versions « poche » des livres exposés)
  • Travailler un peu en amont en repérant !
    • les conférences auxquelles je veux assister
    • les auteurs que j’aimerais rencontrer
    • les maisons d’éditions que je veux découvrir (privilégier les maisons atypiques et moins connues. C’est l’occasion.)

On entend souvent que l’évènement est terriblement commercial. C’est vrai.

Mais quand même, autant de livres et d’auteurs rassemblés au même endroit, au même moment, c’est un rêve, non ? Avez-vous déjà tenté l’aventure ?